Pérou, petit trekking en terre inca
J'aime bien préparer des itinéraires comme lorsque je pars en Europe. Alors, pour occuper cette journée libre, Laëtitia m'avait donné carte blanche pour son organisation. En quelques soirées sur Internet, j'ai rassemblé un grand éventail de possibilités. Pour certaines, je les ai écartées d'emblée : le vélo à cause de l'altitude, les randonnées en montagne car une nous attend ces prochains jours, le rafting car l'Urubamba est trop polluée, le canyoning trop vertigineux pour des débutants et un certain nombre de sites culturels trop distants. Il me restait 3 options lorsque je les ai présentées à ma coéquipière : - par ordre de préférence - le site de Pisac et le ChocoMuseo, la zipline (une sorte de tyrolienne géante) au-dessus de la Vallée Sacrée et enfin, une promenade équestre autour des principaux sites proches de Cusco. Cette dernière idée m'attirait le moins car nous venions de faire du cheval quelques mois plus tôt et que Laëtitia est trop douée, n'hésitant pas à effectuer des cascades tête en bas. Lors de notre premier pique-nique à Cusco, j'ai présenté les différentes activités à ma coéquipière sans lui faire part de mes préférences. Comme vous le savez déjà, nos choix concordaient retenant notamment l'originalité et l'inédit de la proposition. Ce n'est pas un hasard si on est parti ensemble !
Nous sommes donc livrés à nous-mêmes pour cette journée que nous ne souhaitons pas de tout repos. Nous serons les seuls de notre groupe à quitter la ville. A 7h, nous sommes déjà dans la rue à la recherche de la gare routière pour Pisac. Les indications des passants divergent du tout au tout mais nous finissons par atteindre notre but.
Nous embarquons à bord d'un bus local ayant probablement pas mal de kilomètres au compteur. Nous trouvons des sièges et nous y installons. Nous paierons plus tard en cours de route. Nous nous réjouissons de voyager au milieu des locaux dans un véhicule plus rustique que ceux ultraconfortables qui nous sont destinés le reste du temps. N'ayant toujours pas bougé, les passagers commencent à s'impatienter un peu et tapent du plat de la main contre les vitres. L'expérience s'annonce comique et enrichissante !
Dans un nuage de gaz d'échappement, témoignant de la rigueur du contrôle technique, le bus s'ébroue et s'élance vers les hauteurs de Cusco. A la porte, un employé scande alternativement les arrêts ou la destination. Quittant l'agglomération au niveau du Cristo Blanco qui surplombe la ville, nous voyons défiler les noms des sites archéologiques incas : Sacsayhuaman, Qenko et autres ... Désormais, les arrêts sont à peine marqués : le bus ralentit mais ne s'immobilise pas toujours. Nous voyons ainsi des passagers sauter littéralement à bord. En une heure de route, nous franchissons un col, traversons deux villages puis redescendons dans la vallée. Pisac est là, au bas des lacets.
Déposés près du centre-ville, nous optons pour commencer par la découverte du site archéologique : 4 km de montée et de très nombreuses marches nous attendent. Mais nous sommes en forme et tenons un bon rythme, homogène. Très rapidement, un chien nous adopte et ne nous lâchera plus d'un bon moment. Nous dépassons des terrasses et un cours d'eau à sec pour arriver à un belvédère naturel sur la ville et la vallée. Nos efforts sont déjà récompensés tant cette vue est agréable.
Un peu plus loin et plus haut, nous parvenons aux premiers bâtiments : des tours de guet d'abord, puis des entrepôts. Comme indiqué précédemment, ces derniers étaient dotés d'ouvertures de petites tailles pour permettre à l'air de circuler à l'intérieur et ainsi faciliter la conservation.
En contrebas se détachent des fondations correspondant à l'ancien village de Pisaqa, le quartier le plus ancien. Il possède des caractéristiques citadines : habitations et rues.
Un sentier en balcon nous conduit à un replat plus élevé. Ayant contourné une montagne, nous apercevons le quartier principal : Intihuatana. Pour rappel, ce nom renvoie au lieu "où est attaché le soleil". En cet endroit où nous croisons nos premiers groupes de touristes, nous pouvons voir le Temple du Soleil, celui de la Lune, une pièce "lithurgique" sacrée, des aqueducs finement ouvragés transportant l'eau pour se purifier avant les rites, un cadran solaire et des croix andines. Petit résumé de nos jours précédents.
Ce qui est surprenant avec ce site, c'est son étalement : ne sachant pas à quoi s'attendre, nous découvrons sans cesse de nouveaux promontoires recelant quelques ruines supplémentaires. Notre itinéraire se fait plus secret : il passe dans une faille entre deux pitons rocheux puis enchaîne avec un tunnel de 10 mètres de long.
A sa sortie nous sont dévoilées les 3 dernières curiosités que comprend Pisac. Pour commencer, la zone urbaine où débutent les visites guidées. Des fabriques artisanales se trouvaient là. En face et plus proche de nous bien qu'au-dessus de nos têtes, Amaru Punku (la Porte du Serpent), principal accès au Temple du Soleil d'où nous venons. Enfin, derrière la zone militaire sur notre gauche, une falaise-cimetière inca : elle abrite plus de mille tombes creusées à même la paroi et qui furent pourtant toutes profanées. C'est là une caractéristique des Incas qui optaient pour des nécropoles tandis que les civilisations qui les précédaient privilégiaient les sépultures individuelles comme nous le verrons à Tinajani.
Ici s'achève notre visite. Nous redescendons par le même chemin jusqu'à Pisac où nous déambulons dans son marché en quête de souvenirs. Au fond d'une cour, nous tombons sur un four traditionnel où cuisent des cuys.
Puis nous retournons en bus sur Cusco. De pauvres petites collégiennes, totalement épuisées, dorment debout dans le couloir tellement le bus est bondé. L'une d'elles s'affaisse d'ailleurs régulièrement sur le passager devant nous. Autre chose qui m'a interpellé dans nos trajets : la politesse de ces scolaires en uniforme qui se lèvent spontanément quand une personne plus âgée rentre, même s'ils doivent se retrouver compresser dans le couloir.
Pour préparer notre déjeuner, nous nous rendons dans un nouveau marché encore plus vaste que celui de San Pedro. Nous circulons dans un labyrinthe d'échoppes proposant des pyramides alléchantes de denrées. La mission accomplie, nous profitons du patio de l'hôtel pour nous sustenter dans des chaises longues. Que la vie est dure ...
En milieu d'après-midi, nous gagnons le ChocoMuseo pour participer à un atelier de fabrication de chocolats. Rien que cette phrase est une belle promesse mais la suite va être encore mieux. Nous commençons par balayer dans un premier temps les spécificités de la fève et de la plante qui pousse à même le tronc. Puis nous gagnons l'atelier pour suivre les 10 étapes de fabrication avec régulièrement une phase pratique, une compétition ou une dégustation ...
Tout commence par la fermentation : les fèves sont disposées dans des boîtes et couvertes de feuilles de bananes pour faire ressortir leur saveur. Au cours de cette étape qui peut durer de 3 à 9 jours selon les variétés et les climats, la couleur passe normalement du violet au chocolat. Quotidiennement, il convient de mélanger les fèves pour que toutes fermentent et pas seulement celles du milieu.
Ensuite vient le séchage pendant 4 jours sous un abri pour les protéger du soleil.
Le grillage vise à bloquer les antioxydants qui, sans cela et à forte dose, sont hallucinogènes. Il permet également de faire ressortir une dizaine d'arômes mélangés. Gladys met des fèves à chauffer dans une calebasse en céramique pendant 5 à 6 minutes. Ce faisant, elle facilite l'opération à venir et réduit la fève, en plus des deux vertus qui précèdent. A l'issue de ce laps de temps, nous intervenons pour la première fois pour enlever l'écale en la pressant légèrement entre nos doigts. A partir de celle-ci, Gladys prépare plusieurs breuvages dont un thé au fort goût de chocolat. Quand elle nous en propose ensuite un second fort riche en épices douces, nous préférons décliner l'offre.
Nouvelle étape : la mouture. Nous sommes dotés d'un pilon et d'un mortier. Les règles sont exposées : il faut moudre le plus rapidement possible pour obtenir une sorte de pâte. Etant avec deux autres jeunes, un match France-Allemagne s'engage. A l'arrivée, ma prestation n'est pas brillante tandis que Laëtitia tient la corde. Probablement soudoyée, l'arbitre péruvienne donne l'avantage à l'Allemand qui repart avec un sachet d'écales pour le thé. Par ailleurs, Gladys nous dévoile que cette opération est à présent faite avec une machine et nous voilà moulinant pour réduire davantage notre production.
Le résultat est mélangé notamment à du lait puis mis à chauffer dans une sorte de centrifugeuse pendant au moins 24h pour faire monter la température jusqu'à 90° puis la faire redescendre par paliers. A la sortie de cet appareil, le chocolat est disposé sur une table en roche puis modelé rapidement. C'est ici que l'on insère éventuellement au fond du moule des additionnels (café, quinoa ...) avant de le recouvrir de chocolat liquide. Ne reste plus qu'à mélanger le tout à l'aide d'une touillette pour homogénéiser l'ensemble.
Pour terminer cette présentation, nous avons enfin le droit de donner libre cours à notre talent. Laëtitia, j'ai dit "talent" alors pourquoi mets-tu des épices dans tes chocolats, tu vas les gâcher ... Après avoir choisi le moule et donc la forme et le nombre de chocolats, nous pouvons piocher parmi une vingtaine d'ingrédients (café, quinoa, M&M's, amandes, noix de coco, noix de cajou, clous de girofle, billes sucrées, épices, sel de Maras ...) pour réaliser LE meilleur chocolat. Nous terminons en touillant à notre tour puis en tassant le tout. Nos plaquettes partent alors pour une tournée dans le frigo. Nous les retrouverons d'ici une heure. UNE HEURE ???
Au final, bien qu'en anglais, l'expérience s'est avérée fort divertissante et l'on s'est vraiment éclaté autant l'un que l'autre. L'atelier a duré 2 heures et nous n'avons pas vu le temps passer.
De retour sur les lieux une heure plus tard, nous récupérons le trésor des Incas mais qui n'est pas encore assez solidifié. Il va falloir attendre un peu plus longtemps que cela avant d'envisager d'en croquer ne serait-ce qu'un seul.
Dans la foulée, nous retournons vers le même petit restaurant qu'hier soir (le Sumaq) où nous pouvions suivre la confection des plats, la cuisine étant excellente.
Fin d'une journée qui à titre personnel m'a énormément plu car, pour la première fois depuis le début du voyage, je n'avais pas d'idée préconçue sur le site que j'allais découvrir. Les trajets en bus furent également un grand moment au plus près de la population à partager leur quotidien. Enfin, terminer par cette activité originale, à partager la bonne humeur en attendant de le faire pour les gourmandises, c'est la cerise sur le gâteau ou plutôt la pépite de café dans le chocolat si vous me permettez.