Mercredi 26 septembre 2012 : Lima touristique et Lima populaire

Tout commence avec LE Japonais volant

4h30 : le coq n'a pas encore chanté mais il convient tout de même de se lever et de petit-déjeuner. Malgré l'heure, Catalina nous apporte oeuf, tomate, oignon et pain. Nous sommes vraiment chouchoutés. A 5h, nous partons avec elle pour une marche au clair de lune peu évidente : nous sommes les plus éloignés et à présent bien chargés sur ce chemin inégal. En un quart d'heure, nous arrivons au bus et quittons celle qui nous considère "comme ses enfants". Nous la remercions du fond du coeur pour sa cuisine et son accueil lors de nos trois jours en commun.

Le bus s'élance et, à la lueur de l'astre lunaire, nous surprenons la vie qui s'éveille sur les rives du Titicaca. Une nouvelle journée démarre, désormais sans nous. Nous reparcourons le chemin de la veille jusqu'à la place principale, voyons animaux et éleveurs s'activer et gagner les prairies et les champs. Aux abords de Juliaca, nous retrouvons la civilisation, le bitume et la pollution. Décidément c'est une ville bien moche. Dans ses rues circulent déjà tuk-tuks et triporteurs, les commerçants proposent leurs marchandises tel ce jus pomme-quinoa.

A l'aéroport, nous quittons Percy et laissons l'une de nous qui a un vol plus tardif. Première fois ou presque que je ne regrette pas un guide. Dans la salle d'attente, un groupe local joue et chante des airs traditionnels. Première fin de voyage.

Dans l'avion, Laëtitia est assise côté couloir. De l'autre côté, un Japonais prend tout et n'importe quoi en photo à l'aide de son portable. Mais le plus beau moment incontestablement, c'est quand, à force de remuer sa canette, il se la fait exploser au visage. "Quand lama fâché, lui toujours faire ainsi" disait Zorrino dans Tintin. Je rajouterais : "Quand canette secouée, elle aussi se vexer". Nous sommes pliés de rire. Lors de l'escale à Cusco, nos Japonais volants sont à nouveau sous les feux des projecteurs car 4 d'entre eux n'ont pas de billet pour rejoindre Lima alors qu'ils font partis d'un circuit organisé. La liste des passagers est donc décortiquée par le personnel de bord en faisant l'appel rang par rang avant de tomber sur les "trouble-fêtes".

Ayant récupéré nos bagages à destination, nous constatons que personne ne nous attend. Martine part gentiment en repérage. Soudain, Laëtitia me murmure qu'elle a repéré un "fou-furieux" descendre à toute vitesse d'un minibus et qu'elle le sent bien. Effectivement, nous récupérons cet homme. Mais à part être en retard, il ne semble pas avoir d'autres problèmes. Lui et son chauffeur nous déposent à l'hôtel du premier jour, à deux pas de la Place d'Armes.

Etant donné que nous ne sommes pas au complet, le programme est chamboulé jusqu'à notre départ : visite guidée initialement non prévue cette après-midi et excursion en mer demain. Ce réaménagement remet en question mes plans puisque j'avais notamment envisagé depuis la France un tour en parapente pour nous occuper. Le baptême sera pour une autre fois. Snif !

En attendant, nous disposons de notre temps librement jusqu'à 14h45. Quasiment dès notre arrivée, nous avions convenu avec Laëtitia d'aller manger dans un marché. La veille du départ, l'opportunité se présente enfin ! Nous avions déjà tenté un soir à Cusco mais avions trouvé portes closes. Errant au hasard dans les allées, nous commençons par un exigu stand-restaurant de viande. Au menu : du mouton pour ma coéquipière et du poulet pour moi. Un peu plus loin, nous enchaînons avec un premier dessert : la vendeuse prépare sous nos yeux une assiette gargantuesque avec de multiples fruits frais de la fraise à l'ananas. Enfin, nous en profitons pour acheter un pique-nique pour demain midi car il se pourrait qu'on n'ait pas le temps d'aller au restaurant. Je propose à la vendeuse de nous cacher 24h dans son échoppe pour que nous puissions rester dans le pays un peu plus longtemps mais je n'ai en retour qu'un rire amusé. Pourtant j'étais sérieux ...

Pour terminer le repas, nous avions parlé en amont de notre voyage de manger au moins une glace. Un besoin vital vous le comprenez bien. Lors de notre arrivée à Lima, quand j'avais été seul à sortir m'alimenter, j'avais repéré un vendeur. J'y conduis Laëtitia aujourd'hui et nous nous retrouvons ainsi en possession d'un délice trois parfums à déguster sur la Place d'Armes.

 

Sur ce, nous rejoignons Brenda pour entamer la visite. Si les explications plus touristiques vous gonflent, vous pouvez sauter quelques paragraphes. Nous revenons pour commencer à la Place d'Armes, le coeur de la ville historique fondée par Francisco Pizarro le 18 janvier 1535. Le nom de l'endroit est alors "Cité des Rois". Effectivement, en peu de temps, la ville se hisse au rang de capitale du Vice-Roi, une implantation qui met en contact l'Europe et les richesses du Nouveau-Monde.

Au centre de la place se trouve le point 0 du pays sous la forme d'une fontaine de bronze. Sur le côté ouest, la mairie possède des façades jaunes dotées de balcons.

Au nord, se trouve le Palais du Gouvernement de style baroque. Il occupe un bloc entier dans le quartier. Le Chef de l'Etat y réside et l'entrée est donc surveillée par des gardes qui, tous les midis, se relayent au son de El Condor Pasa. Enfin à l'est,  l'archevêché qui présente quelques éléments mauresques (moucharabieh), jouxte la cathédrale et ses tours néoclassiques. Différents séismes ayant ravagé les bâtiments d'origine, les actuels sont en bois, adobe, plâtre ou bambou (matériaux utilisés jusqu'en 1940).

Prenant une rue vers le nord, nous passons devant l'ancienne gare, aujourd'hui Maison de la Littérature Péruvienne. Brenda nous apprend à l'occasion que ce sont les Chinois qui construisirent la voie ferrée vers 1850-1855.

Nous empruntons une rue aux belles façades colorées. Autrefois, la classe aisée vivait au centre qu'elle a peu à peu déserté au profit de Miraflores. Les maisons coloniales ont été reprises par les indiens et d'anciens esclaves. Sur certains balcons sont perchés des vautours à tête noire.

Nous aboutissons à l'église et au monastère de St François d'Assise réputés pour leurs catacombes et une riche bibliothèque d'ouvrages anciens, parfois antérieurs à la Conquête. Une fois l'an s'y tient une bénédiction des animaux. Pour en revenir au sous-sol, les habitants le privilégiait pour leur sépulture car, étant proche d'une église, ils supposaient l'accès au Paradis facilité. C'est pourquoi, malgré son apparition en 1908, le premier cimetière de surface mis du temps à s'imposer dans les mentalités.

Brenda nous fait traverser une galerie d'échoppes touristiques puis passer devant l'église des Dominicains qui abrite les reliques de deux saints locaux : Sainte Rosa de Lima et Saint Martin de Porres. Ce dernier, fils d'un espagnol et d'une antillaise, a dû rentrer au monastère comme esclave-balayeur au grand dam de son père à cause de sa couleur de peau. Mais accomplissant de nombreux miracles, il finit par être si remarqué que l'évêque lui-même lui ordonna d'arrêter pour limiter la foule à proximité de ce lieu sacré. Saint Martin s'y tiendra mais non sans avoir obtenu l'accord de sauver une dernière personne chutant dans le vide.

Non loin de là, nous rentrons dans le hall du Musée Postal pour visiter celui de la Gastronomie (logique !). Nous parcourons des panneaux présentant les plats traditionnels de chaque région ou la technique de la Pachamanca entre autres.

A l'occasion de la descente de Jiron de la Union, une longue artère commerçante et piétonne aux façades multicolores, Brenda revient sur le système de santé. Comme celui-ci est hors de prix, le fameux principe de solidarité déjà évoqué revient sur le devant de la scène et permet de contourner cet obstacle. Les personnes devant subir une intervention organisent par exemple des polladas (repas festifs autour du poulet) pour récupérer des fonds. Si une seule ne suffit pas, il faut attendre son tour plusieurs semaines pour pouvoir en organiser une nouvelle. Alors en patientant, ils organisent des ventes de charité et autres événements communautaires pour collecter la somme nécessaire. Dans les villes, des centres solidaires existent également mais ne peuvent s'adresser à tous.

Au fil des explications, nous arrivons devant la façade époustouflante de la Merced (Miséricorde). Cette église abrite une croix en argent, objet de pèlerinages, car elle a appartenu à un prêtre qui a eu une révélation de la Vierge. Nous visitons l'intérieur richement doté. L'occasion pour notre guide de préciser que, si le syncrétisme est manifeste ailleurs dans le pays, à Lima, les Espagnols s'y sont opposés allant jusqu'à faire venir les autels et le reste du mobilier sacré d'Europe.

Au bout de cette artère, la place San Martin du nom du libérateur du Pérou. Sa statue équestre trône au milieu de la place. Sur son piédestal, une représentation de la Patrie marqua les esprits en son temps à cause d'une erreur d'interprétation de l'artiste : distraitement, il confondit flammes (llamas en espagnol) avec un petit lama qu'il disposa sur le bonnet. La place est vaste et entourée de bâtiments de standing au rang desquels l'hôtel Bolivar dans lequel nous pénétrons. Il fut construit en 1921 pour le centenaire de l'Indépendance pour accueillir les dignitaires étrangers venus commémorer l'événement. Son intérieur désuet vaut le détour pour son ascenseur, sa coupole en vitrail et ses murs de bois.

 

En sortant du bâtiment, nous nous dispersons la visite étant terminée. La majeure partie du groupe opte pour un restaurant pour goûter la cuisine tendance. De notre côté, nous privilégions une seconde activité que j'avais préparée pour occuper une soirée : le Circuit Magique des Eaux. Situé au sud du centre, il se trouve dans un vaste parc et compte 12 fontaines de toutes sortes, formes et couleurs. Une vraie féérie visuelle. Trois fois par jour, un spectacle son et lumière tient le public en haleine le long d'un bassin de 120 mètres. Pendant une vingtaine de minutes, les jeux d'eau s'harmonisent avec des airs de musiques du monde entier et de toutes les époques, avec la projection de lasers et de personnages virtuels qui dansent pendant les interludes. Assurément c'est le moment qui m'a le plus marqué de cette journée dans la capitale tant l'animation est fascinante et vous absorbe. Lorsqu'elle se termine, elle vous laisse à moitié hagard, vibrant encore de multiples sonorités et images. Etait-ce réel ou fantastique ?

Rentrant l'esprit encore émerveillé, nous choisissons un restaurant où l'on nous sert le plat des esclaves : l'anticucho, des brochettes de coeur de boeuf. Pour quelqu'un qui n'est pas spécialement abats, cette viande passe plutôt bien. Pour terminer la journée parfaitement, nous cédons sans résistance à l'appel du marchand de glaces. Nous n'avions bien sûr rien prémédité mais passant par un hasard fortuit devant son étalage et constatant que le marchand est toujours ouvert, nous avons décidé de saluer sa vaillance et de soutenir son activité en cette période de crise en nous sacrifiant. Non, ne nous admirez pas, je suis sûr que vous en auriez fait autant à notre place.

Notre journée se termine ainsi, parfaitement, sur un banc de la place d'Armes à profiter à fond des dernières heures de vacances ... et à fomenter un plan pour une troisième tournée demain midi. Après tout, ne dit-on pas "jamais deux sans trois" ?

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