Mardi 25 septembre 2012 : Traversée de la Péninsule de Capachica

Randonnée de Ccotos à Llachon par les hauteurs

Vous avez beau être dans un coin retiré et paisible, cela ne vous empêche pas de connaître parfois un réveil difficile, la faute à une fin de sommeil agitée qui se prolonge encore au lever. Je dois sortir de cette bulle et pour cela m'isoler un peu. La vie reprend sur les bords du Titicaca après quelques heures de silence : elle se manifeste notamment via ce drôle de cochon qui a une tonne de choses à raconter.

Après le petit-déjeuner constitué ce matin de crêpes (youpi!), nous repartons comme la veille au son du clairon et sommes sur place avec 30 minutes d'avance. A 8h, nous larguons les amarres et emmenons avec nous José. J'ai du mal à le comprendre et crois qu'il va voir sa famille. A moins que ça ne soit pour nous garder à l'oeil ? En effet, hier soir, nous sommes partis seuls au repas sans aviser personne puisque nous connaissions le chemin  et que nous ne souhaitions pas les réquisitionner.

En une heure de navigation, nous contournons la Péninsule de Capachica, passons très au large d'Amantani et nous dirigeons sur la Péninsule de Ccotos, appendice de la première citée. A tribord passe une embarcation de pêcheurs à voile au tiers en toile.

Notre bateau se dirige sur une jetée artificielle faite de gros blocs de béton disjoints. Le débarquement vire à saute-mouton.

Rapidement, nous quittons la plage et ses champs jonchés de déchets pour une piste poussiéreuse conduisant au centre de Ccotos. L'église et l'école occupent la majeure partie de la place principale. Régulièrement, des minibus remplis de jeunes se dirigent vers la plage, nous croisant dans un tonnerre d'acclamations et de saluts. En sortant du village, nous comprenons enfin que José va nous accompagner. Peut-être échappe-t-il ainsi à quelques tâches ingrates ? En tout cas, il nous enchante par son sourire continuel. Il rigole toujours José, le ton léger et le verbe facile.

Nous longeons une baie faisant face à l'île de Tinacota. Là-bas, les habitants gèrent les flux touristiques comme ils l'entendent. Ici, la rive est plantée de roseaux. Une barque est posée là, ensablée, tandis que des femmes s'activent dans des champs.

A l'avant, nous commençons à distancer une partie du groupe. Avec l'aval de Percy, Laëtitia et moi grimpons à un mirador surmonté d'un aigle. 350 marches pour prendre de la hauteur sur notre environnement et profiter de la belle vue.

En bas, le groupe s'est reposé puis est reparti. Ne reste que José qui, par de grands moulinets de bras, tente de rameuter les deux vilains petits canards. La troupe étant un temps hors de vue, notre guide préféré décide de couper par une descente raide et de redoubler l'allure (très lente). A ce sujet et au vu des différentes pauses, José s'étonne : "heureusement que l'on prend le chemin le plus court sinon on n'arriverait pas avant la nuit !". Nous rigolons tandis qu'il doit penser que sa progression va être moins plaisante que prévue. Au milieu d'une plaine où se cultivent pommes de terre, maïs, fèves, ocas, ... nous comblons notre retard, juste avant un village dont l'église attire notre regard. Nous espérons faire un crochet mais Percy souhaite prendre sur la gauche dans la direction opposée. C'est lui le guide et nous acceptons la décision sans rechigner. Toutefois, c'était sans compter sur l'intervention providentielle de notre hôte : lui-aussi souhaite nous y conduire et il a bien compris que certains d'entre nous veulent acheter de l'eau en bouteille. Aussi prétend-t-il qu'il y a un magasin sur la place de l'église et le tour est joué. Vraiment trop rusé !

Nous reprenons le chemin initial et nous présentons au pied d'une forte montée au pourcentage à deux chiffres. José, à qui je donnerais la soixantaine, vole comme un cabri sans jamais s'essouffler. Il ne garde ainsi que deux personnes pendues à ses basques : nous. Après un premier raidillon de quelques dizaines de mètres, il marque une pause qui, contrairement à ses attentes, va durer un bon moment. Rapidement, il piaffe d'impatience et repartirait facilement au quart de tour à chaque fois qu'une nouvelle personne nous rejoint. Le scénario se répète plusieurs fois à notre amusement.

Un peu plus haut, Percy décrète l'heure de manger. José va réussir à prolonger la marche de dix minutes jusqu'à un petit bassin. Il est cependant bien tôt et nous n'avons pas très faim. Laëtitia obtient donc l'aval pour que nous poursuivions à deux jusqu'au sommet où nous attendrons tout le monde. L'allure s'accélère et nous atteignons l'arête sommitale en 45 minutes supplémentaires. Sur un versant, nous pouvons détailler notre parcours de ce matin, voyons l'île d'Amantani et les sommets boliviens. Sur l'autre versant, notre regard croise l'étendue protégée de totoras, les îles Uros et Taquile. Bref, nous disposons d'un vaste panorama où tout semble de dimension réduite.

La zone étant très dégagée, nous nous abritons derrière un immense rocher le temps de savourer notre pique-nique. Les herbes hautes dansent un ballet sous les bourrasques ininterrompues. Puis, nous nous installons au soleil sur le même roc, conversant et guettant l'apparition du groupe. Telle une caravane de yaks dans l'Himalaya, nous finissons par voir surgir d'une crête voisine les premiers éléments avec à leur tête l'infatigable José. Nous ayant également repérés, il nous salue, bras par-dessus tête, et nous lui répondons.

Peu après, nous attaquons la descente vers Llachon. Celle-ci est rendue périlleuse par les nombreux cailloux qui roulent sous les chaussures. L'une de nous dérape et chute. Plutôt que de prendre des risques à suivre une allure qui n'est pas la mienne, je préfère aller à mon rythme et ne pas sur-solliciter mes genoux. Je me retrouve de fait seul, croisant un énorme lièvre et un caracara. En attendant que le groupe me rejoigne, je m'installe sur un muret de pierre en contemplant un paysage minéral seulement animé par des bergères rabattant leurs troupeaux de moutons. Et qui vois-je apparaître en tête ? Laëtitia et José bien sûr. J'accroche le wagon du sourire et repars.

Avec le soleil déclinant, nous parvenons sur la place principale de Llachon, sa tour en pierre, son église et sa mairie. Petit farniente ou moment de récupération selon les cas. Etant laissés libres par nos deux guides, nous retournons vers notre logement. En route, nous croisons Catalina et la saluons. Nous devons aussi refaire provision d'eau : je descends donc une nouvelle fois sur les rives du lac pour remplir les gourdes. Motivé, j'étais parti en trottinant mais, altitude et pente obligent, je repasse rapidement à la marche. Enfin, nous pressons le pas pour le troisième coucher de soleil en autant de jours. Mais ce soir, il est décevant. La curiosité réside plutôt dans une illusion optique : un léger voile brumeux et des nuages épars laissent penser que la surface de l'eau se prolonge à l'infini et que, çà et là, des récifs ou de petites îles émergent de l'immensité. Quand le corps ne voyage plus, l'esprit prend la relève ...

Pour être exhaustif, je me dois de mentionner que je n'ai pas croisé les pingouins à la douche aujourd'hui. La température encore douce à cette heure a dû les décourager. Quand on parle de réchauffement climatique et de ses conséquences, qui aurait pensé assister à la disparition d'une espèce en seulement trois jours ?

A 18h40, alors que nous nous apprêtions à partir, Catalina et sa fille Reina nous mettent le grappin dessus : il faut revêtir l'habit traditionnel pour aller diner. De mon côté, je dois simplement enfiler un poncho marron avec une bande arc-en-ciel et un bonnet très coloré en laine légère. Mais l'ensemble de Laëtitia est bien plus complet : ample robe rouge, gilet multicolore brodé de motifs floraux et de maisons, une étole noire sur les cheveux recouverte d'un chapeau traditionnel avec les pompons. Cette tenue lui sied très bien et l'idée est particulièrement sympathique !

Nous gagnons ensuite la coopérative avec Reina qui ne peut pas y entrer apparemment. Aussi avons-nous le plus grand mal à la convaincre pour qu'elle vienne poser avec nous.

Le repas avalé et les consignes de départ reçues, nous rentrons rapidement à la maison avec Catalina et un José quelque peu éméché. Ce sera la dernière fois que nous le verrons. Dommage ! Tout en remplissant un questionnaire de satisfaction que Percy nous a remis, nous partageons un dessert chocolaté bien délicieux avant de nous réfugier au lit car le lever sera matinal !

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