Créer un site internet

Dimanche 23 septembre 2012 : Canyon de Tinajani, la déception

Arrivée au Titicaca

Avant de partir ce matin, nous avons quelques minutes de temps libre. Après mes collègues (cf préambule), c'est à moi de verdir car j'aide Elmer à charger son van pendant que chacun va se promener sur la place et dans l'église. Si je n'ai pas le temps de visiter l'église, je serais agacé pour la journée... Mais heureusement, je vais trouver une ouverture pour aller jusqu'au sanctuaire. Ses murs sont couverts de tableaux très larges à l'encadrement massif, presque écrasant. Un autel en or est décoré des statues des 4 évangélistes et de la Sainte Famille. Je suis étonné de la richesse des églises même dans des coins reculés comme celui-ci quand dans nos campagne elles sont si dépouillées.

Notre parcours ce matin n'est pas très long : nous décrivons une large boucle autour de notre halte de la nuit, quittons la route principale et parcourons une quinzaine de kilomètres sur une piste de poussière.

A la seule évocation du mot "canyon", je me figure une dépression étroite et profonde selon mes expériences des voyages précédents. C'est un endroit où je pense que je vais être émerveillé par le spectacle naturel et qui, puisqu'il est au programme, doit receler quelques secrets propres à nous surprendre. Bref, je suis impatient de le découvrir.

Au bout de la piste commence à apparaître une forme prometteuse dans laquelle je pense que nous allons nous engouffrer d'ici peu, si ce n'est à pied au moins en véhicule au début. Mais le tracé poussiéreux s'en écarte et le bus d'Elmer s'arrête devant des parois ciselées par les éléments. Comme une marche est prévue, je continue naïvement à penser que nous allons bien finir par rejoindre une faille. Mais ce ne sera pas le cas. J'ai envie de croire que le canyon est ailleurs et que Percy ne nous y a pas totalement conduits pour une quelconque raison mais un tour sur Internet vient de me montrer que cette définition trop stricte de "canyon" ne s'applique pas à ce site apparemment. Tinajani est un ensemble de rochers aux formes impressionnantes et à la hauteur vertigineuse au milieu d'un plateau désolé. Voilà ce que c'est en réalité. Il a un peu de charme mais pas suffisamment pour satisfaire mes attentes démesurées.

Pour s'approcher de ces sculptures minérales naturelles, il convient de traverser dans un premier temps la rivière. Nous recommençons donc à bâtir un passage à gué avec de grosses pierres. Certains de nous traversent d'un bond et tendent leurs mains à celles et ceux qui doivent encore franchir cet obstacle. Martine passe la première et, perdant l'équilibre, va goûter l'eau. De quoi encourager les suivant(e)s ! Mais le reste du groupe parviendra sec de l'autre côté. Il est vrai qu'il est lourd de reproduire les plaisanteries des autres.

Nous rapprochant de la base du rocher le plus proche, nous découvrons des tombes pré-incas en forme de dômes, blotties contre la paroi. Elles appartenaient au peuple Pucara. Leur ouverture est toujours orientée vers le lever du soleil dans l'optique d'une nouvelle vie. Les Incas eux-mêmes adoptaient le même usage. En revanche, comme je l'ai déjà souligné pour Pisac, ils préféraient de plus grands ensembles sous forme de tours. Tombes individuelles contre nécropoles collectives.

Les nobles étant inhumés avec or et argent, leurs sépultures furent rapidement profanées. Les pilleurs se tournèrent ensuite vers les poteries et les momies enveloppées dans du tissu et des cordes végétales. Pour préparer le défunt, on lui coupait d'abord les tendons pour pouvoir le mettre en position foetale à l'intérieur. La base du dôme était élevée la première, puis la dépouille était positionnée et on terminait la construction. Contrairement aux nobles, le peuple était enterré avec des outils. Ici, les deux conditions se mélangent ce qui pourrait laisser supposer que les seconds faisaient office de serviteurs des premiers. Aucune différence de sépulture de l'extérieur, le statut était indiqué par les objets contenus à l'intérieur : richesse ou outils. Il convient enfin de préciser que la condition se transmettait mais n'était pas figée dans le temps car à la noblesse de sang s'ajoutait celle de privilèges.

Reprenant la marche gentiment, nous passons au pied d'une tour de pierre et d'autres formations rocheuses. Une bergère mène son troupeau de brebis à travers les herbes hautes. Nos routes se croisent mais pas les paroles faute de langue commune.

Vers la fin de notre petite balade, il convient de retraverser la rivière. Nous entamons une fois de plus de légers travaux pour un gué mais qui paraît trop aléatoire vue la mésaventure encore récente de l'une d'entre nous. Chacun opte pour sa stratégie : acrobatique en sautant de pierre en pierre, plus "bourrin" pour ma part mes chaussures étant étanches, plus précautionneuse pour les derniers qui enlèvent leurs chaussures et traversent pieds nus.

Retournant vers le bus, nous passons devant des alpagas agacés, notamment un qui adopte une attitude de défense. Dans le même temps, nous sommes pris à contresens sur le périphérique et noyés dans un flot de moutons qui déboulent vers nous. Nous ne perdrons pas de point par chance étant donnée l'absence de képi dans les environs. Le groupe s'attardant, je vais échanger quelques mots avec Elmer avant d'être rappelé pour une photo collective puis une autre avec Laëtitia.

Nous reprenons le chemin en sens inverse jusqu'à Ayaviri puis longeons longuement une rivière au bleu pur dans un paysage très peu vallonné.

Nous parvenons ainsi à Juliaca, ville de 250 000 habitants à 3825m d'altitude. Un panneau indique "ville propre, moderne et sûre", je dirais en toute objectivité moche, sale, terne et probablement dangereuse. Peut-être la pire ville que j'aie pu voir. Je n'y ai même pas vu un seul arbre ! Située non loin de la Bolivie, c'est la capitale de la contrebande et de la contrefaçon notamment pour l'électroménager. Heureusement, nous ne faisons que la traverser parce qu'elle parviendrait à déprimer un clown.

Mais la sortie de la ville est également marquante : l'habitat se prolonge sur des kilomètres et quand il disparaît enfin, les traces de l'homme subsistent avec des champs jonchés de déchets. Comment l'homme peut-il transformer son environnement en un tel dépotoir ? Comment lorsqu'on est contraint de vivre là à longueur d'année peut-on accepter un tel saccage ? Les décharges n'existent sûrement pas mais la santé doit s'en ressentir et comment ne pas penser aux enfants qui grandissent là ?

Extirpés de cette horreur, nous marquons une pause gastronomique dans une coopérative de femmes à l'entrée de la péninsule de Capachica. Elles sont vêtues du costume traditionnel et notamment d'un chapeau relevé sur quatre bords et agrémenté de deux pompons.

Repus, nous reprenons la route puis la piste pour 1h jusqu'à Llachon. Nous y sommes attendus par différents hommes venus nous chercher car, pour les trois prochaines nuits, nous serons répartis deux par deux chez l'habitant. Laëtitia et moi allons emménager chez Catalina et José, ceux qui possèdent la maison la plus éloignée de notre position actuelle. José est un sacré personnage comme nous le verrons et c'est lui qui nous raccompagne à pied. Comme il lui manque deux dents sur le devant, j'ai plutôt du mal à comprendre son espagnol mais je vais tout doucement m'y habituer, au moins partiellement.

Notre chambre se trouve dans une petite cour carrée joliment agrémentée de fleurs. Une partie de la famille vit là autour. José et sa femme habitent dans une maison juste au-dessous. Nous allons être des rois !

Nous aurions bien aimé aider pour partager un peu de leur quotidien mais nous nous heurtons au sempiternel "plus tard", probablement de peur de nous fatiguer ou parce que les touristes ne doivent pas travailler. Nous optons alors pour une petite balade de 2h30 pour rejoindre l'autre côté de la péninsule.

De ce côté, nous voyons déjà Taquile que nous rejoindrons demain. Les chemins sont irréguliers avec beaucoup de pierres en travers. Le village est paisible : aucun enfant ne crie dans les environs, aucun animal non plus. Beaucoup de terrasses autour de nous et sur certaines, des habitants sont à l'ouvrage. Le Titicaca est visible en permanence. Nous prenons rapidement de la hauteur et il s'éloigne.

Puis nous basculons. Le lac semble devenir une mer tant il est étendu. Au fond, les sommets boliviens coiffés de neige semblent flotter sur les eaux. Plus près, l'île d'Amantani nous fait face ainsi que la péninsule de Ccotos.

 

Une première fois, nous décidons de nous arrêter pour contempler. Rien ne sert de courir : nous sommes trop petits pour voir le paysage évoluer en quelques pas. Alors autant se poser quelques minutes et admirer en silence. Nous reprenons notre chemin entre les murets de pierre et marquons une nouvelle halte sur le versant par lequel nous étions arrivés. Assis sur une pierre, à l'abri du vent et au soleil, une invitation à marquer une seconde pause avant de rentrer. 

Un dernier devoir nous attend avant de regagner nos pénates : faire provision d'eau et, par ici, ce n'est pas ce qui manque. Nous descendons jusqu'au rivage où des habitants remontent des roseaux à dos d'ânes et nous faisons le plein de nos gourdes dans le lac. A cette altitude et de par sa superficie, l'eau doit être pure donc nous ne craignons pas grand-chose.

De retour à la chambre, je prends mon courage à deux mains et pars me laver avec un seau et des pingouins. Qui a laissé la porte du frigo ouverte, brrr ? Bleu comme un schtroumpf, mais propre, je peux ensuite me consacrer au linge comme ma coéquipière.

 

La lessive étant terminée, nous avons gagné le droit de regarder notre premier coucher de soleil sur le Titicaca. En quelques instants, le ciel s'enflamme et change totalement de couleurs à l'instar d'une aurore boréale mais de lumière. Puis nous basculons avec le lac dans l'obscurité. Rendez-vous demain, pour le même spectacle !

La journée se termine par le repas "communautaire". Nous ne partageons malheureusement pas la table de nos hôtes ce qui pourrait être très instructif d'après mon précédent équatorien, mais nous nous retrouvons entre français pour un diner préparé par une nouvelle communauté de femmes. Et second point de malaise : nos accompagnateurs nous attendent dehors, dans le froid et la nuit, pendant toute la durée du repas. Je me sens presque comme un animal dans un zoo que l'on observe à travers une vitre protectrice sauf que j'éprouve en plus un mal-être à l'égard de ces gens qui nous accueillent. A l'époque des conquistadors, la situation devait être quasiment similaire sauf que c'était il y a 400 ans !

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site