• Pour ce début d'année, je romps avec mes habitudes : je me suis élancé pour 2 voyages d'une semaine chacun, à caractère plus physique et moins culturel. Les mots d'ordre sont nature, neige et découverte. Mon premier des deux voyages concerne la Roumanie en ce début de mois de février, plus précisément une région située au nord-est : la Bucovine.

    Bucovine

     Pourquoi ? Parce que j'ai repéré depuis plusieurs années ses monastères à fresques extérieures. Mais aussi parce que j'ai envie de pratiquer des activités nouvelles à l'étranger, en l'occurrence la raquette. J'ai déjà eu l'occasion d'en faire ponctuellement mais sur plusieurs jours, c'est autre chose. Une agence propose un circuit alléchant : Terres d'Aventure qui passe sur place par une structure à taille humaine Via Carpathica. Et l'humain est au centre de la prestation car tous les soirs sont passés chez l'habitant et que notre excellente guide, Luminița, avait à coeur de nous faire rencontrer de nombreux roumains.

    A la veille du départ, la situation est plutôt alarmante au niveau de la météo : beaucoup de gens meurent en Europe de l'Est (Pologne, Ukraine et Roumanie) du fait d'une vague de froid avec des températures de -30°C dans certaines régions. Nous avons bien plus de chance cette semaine du 4 au 11 février avec une météo au final favorable.

    Avant mon carnet de voyage, je souhaite commencer par un post de remerciements aux personnes qui ont contribuées au succès de ce voyage.


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  • Je tiens à adresser tous mes remerciements à :

    - mes compagnons de voyage E., M. et P. sans qui je n'aurais pas eu l'occasion de découvrir cette belle région. Voyager avec vous a été très agréable mais également riche en bonne humeur et dans le partage du quotidien. J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur pour ne pas vous avoir offert mon Concerto en Casseroles Majeur interprété magistralement dès 5h du matin. Je n'ai pas trouvé le temps de jouer. Et je vous suis également gré 1) d'avoir su répondre à toutes les règles de l'hospitalité à ma place même dans les cabanes où deux amis fêtent leurs retrouvailles, 2) de vous contenter d'un verre de lait par jour et pour 3. Je ne sais pas comment j'aurais fait sinon...

    - à une des meilleures guides que j'ai eue : Luminița. Je crois que nous avons tous grandement apprécié ton sourire, ta bonne humeur, ta disponibilité et tes explications. Merci pour toutes les traductions en temps réel, pour toutes les belles rencontres dont tu fais partie et pour nous avoir permis de partager le quotidien d'une "protest-ante" . Grâce à toi, on a pu voir que, même si la Roumanie bat la France en luge ou pour faire l'ange, ce n'est pas aussi évident pour la peinture sur oeuf et ça, ça fait plaisir. Et ne t'en fais pas, je n'ai pas touché aux peluches de ta chambre chez Veronica, pas plus qu'à ton lit ou au papier peint. Si tu as besoin de participants pour la prochaine protest fais signe !

    - à Lulu qui était très disponible pour écouter mes coups de blues à 5h du mat' quand les autres membres du groupe dormaient plutôt que de venir traire les vaches pour de faux.

    Lulu

     


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  • Un jour à Bucarest et situations de crise en Roumanie

    Période de soldes en France, je me décide pour un nouveau congélateur appelé România. La température y monte rarement au-dessus des -10°C. Ca semble une belle occasion à saisir.

    Le magasin étant à l'autre bout de l'Europe, je prends l'avion pour m'y rendre. Trois autres clients sont sur le même coup que moi. Je ne me suis pas trompé, ça doit vraiment être un bon produit. Nous survolons de beaux paysages et des villes réputées mais tous sont visibles de l'autre côté de l'appareil, en dehors de la Forêt Noire. Ca y est, le mot est lâché. J'ai faim parce qu'il est l'heure de déjeuner et que je n'ai rien dans le ventre. Que nous propose la compagnie ? Un petit sandwich au fromage. Si on ne peut pas atterrir à l'heure, je vous préviens, j'attaque la mousse des sièges ou les accoudoirs. A posteriori, cette sensation était agréable parce que c'est la seule fois où j'ai eu un peu faim avant une semaine de haute gastronomie en quantité plus que généreuse.

    Le temps se couvre et la neige se présente. Bienvenue en Europe de l'Est ! La zone agonise actuellement dans la froidure inhabituelle de l'hiver et des pertes humaines sont malheureusement à déplorer relatent les médias ces derniers jours. Et nous allons progressivement en prendre l'ampleur au fil du séjour. De chaque côté de la piste, des congères se sont formées également aidées par une armada de chasse-neige en action.

    Sur le tarmac, l'avion suit la voiture jaune portant l'inscription "Follow me". Au moins, il y a quelqu'un qui comprend l'anglais dans cet avion...  Et nous avons bien fait de la suivre car elle nous accompagne jusqu'au terminal. Nous n'aurons pas à descendre directement sur le tarmac pour prendre un bus et pouvons nous préparer plus longuement à l'atmosphère froide du dehors. Enfin ... surtout pour celles et ceux qui ne se prennent pas d'ordinateur roumain sur la tête. Ne t'en fais pas E., tu ne l'as pas abimé son ordinateur ! Au fait, ça va ?

    Mon guide de Roumanie indique n'"achetez pas vos devises dans l'aéroport" alors bête et indiscipliné, je décide d'en acheter quand même. Pas au premier guichet parce que là c'est vraiment pour les pigeons, plutôt au second guichet, celui des pigeonneaux. Youpi, je viens de faire le casse du siècle et de gagner 0,05 centimes en pleine crise économique planétaire ! En même temps, j'étais contraint de changer ici parce qu'après on part directement à la campagne je pense et il sera plus dur de retirer des lei (la monnaie roumaine qui signifie lion). Il me faut bien quelques espèces pour pouvoir acheter le minimum vital de ce jour alors je convertis très peu.

    Plus qu'à attendre les bagages. Premiers tours de tapis : pas de bagage en vue. Tours suivants de tapis, toujours pas de bagage à nous et le terminal commence à se vider. J'ai envie de m'asseoir sur le tapis et de faire des tours pour tuer le temps mais comme je ne souhaite pas terminer à l'asile (ce n'est pas le but de ma venue), je me retiens tant bien que mal. Alors j'attends et compte les tours de tapis à la place des moutons. Il n'y a plus que des touristes dans le hall, une poignée tout au plus. Ca serait quand même bête de se retrouver en tenue relativement légère par les températures actuelles bien que j'ai prévu au cas où... Et puis tout à coup, nos premiers bagages du groupe pointent le bout de leur nez. Il était temps !

    Nous quittons le hall des arrivées et découvrons une jeune femme, notre guide, Luminița. Elle aussi était quasiment en train de s'endormir à nous attendre surtout que l'aéroport est surchauffé.

    Nous devons gagner le centre-ville en bus mais le prochain est dans une bonne dizaine de minutes alors on en apprend un peu plus sur notre journée. Nous ne pourrons avoir le train de 17h alors nous prendrons celui de 21h25 et entretemps découvrirons la ville à pied. En 40 minutes chrono, nous sommes déposés à la Gare du Nord, dans le centre. Nous laissons les bagages à la consigne, comme quoi nous avions bien fait de convertir des euro en lei.

    Et c'est parti pour la découverte de la capitale. J'ai très rarement aimé visiter ce genre de ville car elles sont froides, austères, surpeuplées et manquent de caractère. Ca suffit ou j'en rajoute ? Bucarest n'échappera pas à la règle. Vivement la campagne !

    Pour commencer nous prenons le métro pour nous rapprocher des sites à parcourir. Il y a 4 lignes dans la métropole roumaine et nous empruntons la circulaire. La station est immense et la rame de métro est également bien large. Ca change de par chez nous !

    Station de métro de la Gare du Nord

    Nous descendons à la place Unirii, une très vaste esplanade entourée de hauts immeubles relativement modernes, eux-mêmes surmontés de panneaux publicitaires XXL. En faisant preuve de mauvais esprit, quelqu'un suggère qu'il n'y a que les façades. Je n'aurais pas osé... La neige est partiellement fondue sur la route donc la traversée des artères nous oblige à éviter les grandes flaques. En peu de temps, nous parvenons aux premiers sites d'intérêt : une modeste église orthodoxe jouxtant la Curtea Veche, la Cour Princière. Devant cette dernière aujourd'hui à l'état de vestige, une statue de Vlad Tepeş ou Vlad l'Empaleur. Celui-ci fut d'abord janissaire dans l'armée turque dans sa jeunesse avant de devenir Prince de Valachie (une des trois provinces à l'origine de la Roumanie actuelle) et d'affronter cruellement les ottomans. Il fut également dur envers les marchands allemands de Transylvanie, recourant généreusement au pieu auquel il doit son surnom. Sa personne fut récupérée et adaptée pour devenir le célèbre Dracula bien connu aujourd'hui dans le monde entier.

    Eglise orthodoxe Curtea Veche

    Nous poursuivons ensuite avec le quartier ancien aux nombreuses façades tantôt délabrées, tantôt rénovées. Pendant longtemps personne ne savait à qui certaines appartenaient alors elles ont été laissées à l'abandon jusqu'à ce que l'Etat les réquisitionne mais, faute de crédits à leur consacrer et de volonté suffisante, la dégradation se poursuit. Leur rez-de-chaussée est occupé par tout un tas de commerces qui créent une animation durant la période estivale avec des terrasses bondées. Nous sommes à Lipscani.

    Lipscani Lipscani Lipscani

    Nos pas, et plus encore notre guide, nous conduisent devant d'imposants édifices à colonnades comme la Banque Centrale ou le Cercle Militaire.

    Banque Nationale Cercle militaire

    Par un passage couvert de vitres et à la décoration fort égyptienne, nous revenons devant la Banque Centrale avant de gagner la rivière traversant la capitale : la Dâmbovita. Inutile de préciser qu'elle est totalement gelée actuellement avec le froid mordant. Cette traversée nous rapproche un peu plus "du" monument de Bucarest moins déconcertant par sa beauté que par sa démesure. Quelques chiffres permettent de s'en convaincre : avec ses 270m de long, 240m de large, 1000 pièces, 12 étages de surface et 8 (?) en sous-sol, c'est le plus grand édifice d'Europe et le 2nd au monde derrière le Pentagone. Un témoignage de la mégalomanie d'un homme : Ceauşescu. Lorsqu'il connut sa fin avec la révolution, terminer la construction du Palais du Peuple comme il voulait l'appeler, coûtait moins cher que de le raser. Aujourd'hui, le bâtiment abrite le Parlement quand celui-ci n'est pas en grève rémunérée. Vous avez bien lu, on a beau être doué en France, il nous reste encore des progrès à faire même dans ce domaine. Le nom officiel est désormais Palais du Parlement.

    Palais du Parlement

    Entre cet édifice et le fleuve se trouve un vaste parc qui disparaîtra à l'avenir en grande partie pour laisser la place à une immense cathédrale. La folie des grandeurs ...

    Notre errance se termine par deux sites religieux : d'abord le monastère Antim richement décoré tant à l'intérieur qu'à l'extérieur puis par le plus joli endroit de cette fin de journée à mes yeux, la colline du Patriarcat. Celle-ci abrite une église joliment parée ainsi que le palais du Métropolite, une très haute autorité religieuse. Première découverte des rites orthodoxes car un office est en cours et permet de commencer à s'imprégner de la ferveur des fidèles.

    Monastère Antim Colline de la Patriarchie Colline du Patriarcat

    Au pied de la colline, nous retrouvons la place Unitii et regagnons la gare par le métro. Pour reprendre des couleurs autres que le bleu Schtroumpf, nous nous réfugions dans un café. La carte propose des frappés glacés. A se demander qui est le plus frappé ? J'opte pour le chocolat viennois avec son supplément de crème. Un délice visuel et gustatif !

    Nous profitons également de l'attente de notre train dans ce coin chauffé pour commencer à découvrir le pays.

    [ENTRACTE : si ça ne vous intéresse pas aller à FIN DE L'ENTRACTE]

    L'économie

     La vie semble relativement difficile dans le pays, les salaires étant très faibles globalement : 200€ au minimum, 300€ pour un enseignant d'où une désaffection pour cette profession, 500 à 600€ en moyenne. Le problème c'est que le loyer peut facilement équivaloir le salaire minimum et qu'il doit être acquitté en euro ! Une double peine entre faible salaire et obligation de perdre du pouvoir d'achat en convertissant son argent. En période hivernale, une frange de la population est ainsi contrainte d'arbitrer entre l'indispensable et se chauffer. Au quotidien, tous ne s'assurent pas au mieux. La solidarité familiale peut parfois adoucir les difficultés par l'envoi de denrées alimentaires depuis les campagnes autosuffisantes.

    Nous avons eu du mal à bien comprendre mais il semblerait que 40% du salaire serve à payer les impôts. Il n'y a pas d'impôt sur le revenu et les prélèvements incluraient une sorte de mutuelle qui n'existe pas sous cette forme en Roumanie.

    Enfin, le poste automobile est également un gouffre financier car il faut régler des taxes lors de l'achat qu'il soit fait à l'étranger ou au pays, qu'il s'agisse de neuf ou d'occasion. Il faut également se procurer une vignette alors que le réseau autoroutier est très peu développé avec trois très courts tronçons. Quant au prix de l'essence, il est à peine inférieur de 20 centimes par rapport à chez nous mais le niveau de vie n'est pas le même ...

    Relations avec le voisinage

     Les relations avec les pays voisins sont globalement tendues. Des différends territoriaux existent avec la Hongrie comme nous le verrons plus tard, avec la Moldavie et avec l'Ukraine. Quant à la Serbie et à la Bulgarie, il n'y a pas d'entente particulière. Concernant l'Ukraine, la confrontation a porté sur une petite île au large des côtes roumaines. Jusqu'à présent, elle était roumaine mais la découverte de gaz dans les environs et sa position dans l'axe de la frontière ont suscité la convoitise du voisin. Celui-ci a donc installé quelques animaux domestiques sur cette île inhabitée puis a saisi le Conseil de l'Europe pour la revendiquer. L'Ukraine a obtenu gain de cause au moins en partie mais la Roumanie conserve 75% des étendues marines autour, celles qui abritent majoritairement les richesses en sous-sol. Le voisin fait donc la moue.

    [DEBUT DU SOUTIEN AUX MANIFESTANTS DE ROUMANIE]

    Situation politique

    La Roumanie actuellement, c'est donc une météo catastrophique pour ses habitants. Mais une seconde crise couve depuis quelques semaines, très peu relayée dans notre pays : la crise politique et sociale. Pour ma part, je n'en avais conscience que par un entrefilet dans un journal gratuit. Depuis quelques temps, la population descend dans la rue pour montrer son hostilité au Président Bǎsescu. Celui-ci impose des mesures sans accord du Parlement (qui est en grève rémunérée) et prend des décisions impopulaires pour juguler la crise à l'image d'une hausse de la TVA de 5 points de 19% à 24% y compris sur l'alimentaire ou d'une baisse de 25% des salaires. Parallèlement, le niveau de corruption est tel que la Roumanie est, sur le sujet, comparable à la Russie ou l'Albanie. Ce n'est pas un compliment et un malheur pour la population.

    En conséquence, les gens se sont rassemblés pour manifester leur mécontentement. D'abord les retraités rapidement rejoints par des mécontents de la situation. Les manifestations ne sont pas énormes si l'on compare à un pays comme le nôtre où la grève est une institution mais pour là-bas c'est une mobilisation d'ampleur en raison de l'absence d'une culture de la revendication héritée de la période communiste : 3000 à 4000 personnes ont défilé à Bucarest (2 millions d'habitants) et des cortèges de plusieurs milliers de personnes dans les grosses villes comme Cluj-Napoca, Sibiu ou Braşov largement moins peuplées. La réaction de certains Ministres du gouvernement a été de dénigrer les gens qui se mobilisent pour défendre leurs valeurs et dénoncer les politiques corrompus ou les mesures injustes : ces Altesses, Souverains de la Corruption, les ont publiquement traités de "vers". Et les contestataires de répondre par l'humour en se baptisant à Bucarest les "Vers indignés" ou à Cluj les "Jeunes Furieux".   La mobilisation passe par Facebook d'un côté. De l'autre, on essaie d'identifier les manifestants pour leur infliger des amendes dépassant les 1000€. Le régime n'a sûrement rien à se reprocher par de tels agissements ...

    Le problème pour les opposants, c'est cependant que la Roumanie est dans l'impasse car ils souhaitent renverser le Président mais sans vraiment y croire car les alternatives ne sont pas crédibles. D'un côté, il y a l'opposition mais comme toute la classe politique vient de l'ancien parti communiste et change de couleurs au gré des opportunités personnelles, elle ne suscite pas de grands espoirs. De l'autre côté, il y a les leaders de la contestation qui doivent faire face à différents problèmes au rang desquels leur impossibilité de créer un parti car il est nécessaire de justifier de certaines réserves financières. Le pays dispose actuellement de 4 partis principaux, bonnet blanc et blanc bonnet, et d'une quinzaine en tout. Le parti communiste n'existe plus. Des élections parlementaires vont se dérouler en 2012 (mandat de 4 ans) puis présidentielle en 2014 (mandat de 5 ans). Le paysage politique devrait donc en partie se renouveler.

    Crispation environnementale

    Un dernier point est sujet à contestation : un projet d'accorder l'exploitation d'une mine d'or de Roşia Montanǎ [en Taansylvanie, centre du pays] à un consortium canadien. Elle est déjà en activité mais la discorde tourne autour de l'utilisation de cyanure par le nouvel entrant et du fait de brader les ressources du pays alors que le gouvernement va empocher des pots de vin dans l'opération (Déclaration du cher Président corrompu à l'université d'été de Sulina : "Le projet de Rosia Montana doit être fait, à condition de renégocier le partage des bénéfices". J'interprète à peine sur la corruption...). De plus, le Président s'était fait élire sur la promesse de ne pas céder sur ce point alors le retour en arrière n'est pas apprécié. La décision ne tient plus aujourd'hui qu'à la validation de l'accord par le Ministre de l'environnement qui doit intervenir à la fin du mois. Une partie de la population dénonce les atteintes irréparables à l'environnement avec le dynamitage de montagnes et la pollution des sols, la création temporaire d'emplois en attendant de tout automatiser, les atteintes sur la santé dans le voisinage de la mine et la destruction d'un patrimoine remontant aux Daces et aux Romains. Et la Hongrie de se prononcer en défaveur du projet à cause de la pollution également. Pourtant, le gouvernement matraque les gens de spots TV où quelques riverains grassement payés vantent les mérites du projet canadien sans évoquer le moindre point faible. J'ai pu le voir lors de mon séjour.

    Un précédent existe au Honduras qui contredit la version officielle et se rapproche de la version des opposants. Voici le lien où l'on voit les effets sur les gens ou l'environnement : http://www.admagazin.com/social/documentar-bolile-si-distrugerile-facute-de-gabriel-resources-in-honduras-si-guatemala-urmeaza-rosia-montana/. Le film est plutôt éloquent ! Et un précédent voyage personnel en Mongolie m'a déjà montré les ravages de l'exploitation de l'or par des compagnies occidentales : les rivières étaient définitivement asséchées après le détournement de cours d'eau et la population regrettait d'avoir vendu pour une bouchée de pain ses propres richesses. En exclusivité dans mon blog de Mongolie, partie désert de Gobi.

    A nous de choisir entre l'argent et la préservation de notre environnement. Le peuple roumain est en train de choisir ... Les équatoriens sont déjà dans cette voie. Et nous quand l'emprunterons-nous ?

    [FIN DE L'ENTRACTE ET DE MA CONTESTATION]

    Ces sujets d'actualité, nous allons pouvoir les suivre au plus près tout au long de notre séjour via la télé et les habitants rencontrés. Ils feront partie de mon récit car plusieurs événements se sont produits pendant que nous étions là-bas et que nous avons eu la possibilité d'entendre à la fois la version officielle et la version officieuse.

    Le temps au café s'est arrêté puisque nous sommes au chaud. Mais l'heure du départ finie toutefois par s'approcher. Nous récupérons les bagages à la consigne puis rejoignons notre wagon, comme par hasard en tête de train. Il reste très peu de temps avant le départ. Nous inaugurons alors une partie de Tétris humain : nous partageons notre compartiment à 4 mais entre les bagages principaux, les sacs à dos pour la journée et les personnes, l'espace disponible se réduit à peau de chagrin. Excusez pour le rangement, on arrivait tout juste. Après la photo, on a fait le ménage.

    Couchette

    La guide qui nous a gentiment laissés ensemble, nous taquine car elles ne sont que deux dans son compartiment et que sa voisine descend plus loin qu'elle. Je réplique qu'il n'est jamais trop tard pour qu'un ronfleur vienne s'installer en plein milieu de la nuit à une station intermédiaire. Après tout, ça ne vous est jamais arrivé ?

    Nous passons la première partie de soirée tous ensemble à discuter car il n'y a rien à la télé. D'ailleurs, il n'y a même pas de télé donc ceci explique cela. Puis Luminița va chercher nos cadeaux : de magnifiques draps en soie. Pardon je rêvais... De délicieux draps en papier faits main et une couette bien chaude. Il ne reste plus qu'à se laisser bercer par le doux roulis du wagon, la tête et les pieds touchant chacun une paroi opposée. J'adore le train de nuit ! Là c'est vraiment sincère, ça se saurait si je plaisantais tout le temps. Il suffit juste de dormir en chien de fusil. Et pour terminer à la Nicolas Hulot : Bonsoir !

    PS : Et si on tambourinait en morse sur la paroi pour communiquer avec la guide, elle serait peut-être contente ?

      


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  • Eglises de l'UNESCO et villages polonais

    Après une nuit de voyage, nous sommes réveillés 20 minutes avant l'arrivée à Vama, notre destination, à 5h45. Il n'y a pas d'annonce. Alors à nous de nous tenir prêts et de savoir quand le train est arrêté. Ce n'est pas évident. Il est très légèrement en retard mais sachant les conditions d'enneigement c'est formidable parce qu'en France, on aurait vécu un nouveau Strasbourg-Port Bou. Autre surprise : la porte donnant accès à l'extérieur est totalement givrée et glacée sur quelques centimètres d'épaisseur, il a dû faire bien froid cette nuit !

    Nous descendons sur un quai peu éclairé et couvert de neige. Nous avons trois minutes maximum. Ca permet de se réveiller rapidement. Sans transition, nous rentrons dans le congélateur. Pas de doute il fonctionne. C'est celui-là que je voulais. Maintenant le voilà. Plus qu'à apprendre à le maîtriser. Sur le "parking" de la gare, une fourgonnette nous attend et à son bord Mihai, notre chauffeur. Pour des raisons médicales, il est obligé de fortement chauffer son véhicule. C'est ce que j'appelle une rencontre chaleur-euse. Nous quittons donc le congél' România pour le sauna, mais ça fait plutôt du bien. On nous conduit dans une pension gérée par un très jeune couple pour un petit déjeuner, une toilette et une adaptation de la tenue vestimentaire.

    La pension est au sommet d'une colline. L'enneigement empêche notre camion de monter. Le chauffeur appelle donc les tenanciers de la pension pour qu'ils viennent chercher les bagages avec leur voiture. Dans le même temps, nous décidons de grimper à pied pour se dégourdir les jambes.

    Nous arrivons dans une mignonne chambre d'hôtes qui a été totalement restaurée avec goût par leurs jeunes propriétaires. Elle accueille aujourd'hui les touristes surtout pendant la période estivale. C'était sans compter sur nous qui faisons les choses à l'envers. Le petit déjeuner est impressionnant en quantité. Presque un repas : avec la viande, la charcuterie, les oeufs, la ratatouille ... Ah la ratatouille roumaine du petit déjeuner ! Vous l'aurez compris, la table est recouverte de mets délicats qui enchantent les sens de bon matin. Mais j'arrête de parler de bouffe parce que vous allez finir par me croire à tort obsédé de ce sujet. Parlons tricot plutôt. Quoique je n'ai pas grand-chose à dire... Comparaison des marques de dentifrices ? Qui a dit "barbant" ? ... De curling ? Mais je n'y connais presque rien ! C'est sûr que ça ne vous dit pas les recettes de cuisine parce que j'en ai une petite de pancakes à la banane ...  C'est bon j'arrête !

    Revigorés et mieux vêtus, nous quittons Mihaela et son mari pour visiter les premiers monastères à fresques extérieures de notre parcours. Ceux-ci sont représentatifs de cette région de la Roumanie et ont été classés au Patrimoine Mondial par l'UNESCO. Pour ce faire, nous redescendons la colline à pied, cette fois de plein jour avec la vue sur le village en contrebas.

    Vue depuis la descente de la pension

    Après un nouveau tour dans le véhicule bien chauffé, nous arrivons à pied d'oeuvre si je peux me permettre un léger jeu de mots : le monastère de Voroneț. Quelques marchands de souvenirs attendent patiemment sur le parking l'arrivée d'improbables touristes. C'est nous !!! Mais manque de chance pour eux, nous sommes plus intéressés par la haute muraille d'enceinte que par les articles qu'ils proposent. Franchissant la porte, nous avons de suite en face de nous un des joyaux de l'architecture de la région. Réfléchissez combien de monastères, d'églises ou d'autres lieux de culte peints à l'extérieur vous avez déjà vus. Et en ce moment, il y en a un devant mes yeux ! Plus beau que les catalogues surtout avec le tapis neigeux et ces morceaux de "coton" tombant du ciel.

    Monastère de Voroneț

    Mais pour nous faire languir, Luminița nous conduit d'abord dans une église toute en bois sur la gauche qui sert l'hiver. Lorsque la température intérieure du monastère est trop froide, les offices ont lieu dans ce sanctuaire de substitution qui est lui chauffé.

    Eglise pour les offices hivernaux

    S'élèvent à l'extérieur des chants de femmes provenant de sa direction : la chorale des soeurs. Nous pénétrons dans le bâtiment et mes lunettes sont obscurcies instantanément par un voile de condensation. Dedans, un office est en cours, l'occasion pour moi de commencer à présenter de nombreux fondements de la religion orthodoxe.

    La religion orthodoxe

    Commençons par la structure générale d'un sanctuaire : il comprend de 3 à 5 chambres ou pièces la plupart du temps. A minima, le pronaos initialement réservé aux femmes s'ouvre sur le naos où se massent les hommes et le tout se termine par l'iconostase derrière laquelle le prêtre officie dans le sanctuaire. D'autres fois, il y a des salles supplémentaires comme la chambre des tombeaux et un exonarthex. L'intérieur est décoré d'icônes mais en aucun cas de statue. C'est ainsi un débordement remarquable de fresques et autres représentations souvent dorées telle la pièce où nous nous trouvons actuellement. Il n'y a pas de siège ou très peu près des murs car cela rendrait oisif et moins attentif au message divin. Les fidèles restent donc debout ou parfois accroupis.

    En entrant dans l'église, le croyant en fait d'abord le tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, s'arrête régulièrement pour se signer devant les icônes avant de les embrasser puis gagne sa place.

    La durée de l'office varie fortement : de 1h pour la prière du soir à 3 ou 4h pour la cérémonie complète comme le dimanche (aujourd'hui) ou les fêtes. Mais les fidèles ne restent pas tous, tout ce temps : il y a un va-et-vient et le carillon des cloches signale les différents moments de la liturgie. Le prêtre parle beaucoup, souvent derrière l'iconostase. Parfois, il vient au milieu des fidèles. A d'autres moments, placé derrière l'iconostase, il tire un rideau, disparaissant de la vue des fidèles. L'arrière de cette cloison sacrée représente en effet le temps de l'office le Paradis inaccessible aux croyants. En dehors de ces célébrations, l'accès peut être toléré pour les hommes (par exemple pour un baptême) mais surtout pas aux femmes puisqu'il leur est interdit d'officier. Durant la cérémonie, chacun se signe quand il le souhaite mais de façon légèrement différente des catholiques : à 3 doigts (pouce, index et majeur tendus et se touchant pour figurer la Trinité, annulaire et auriculaire repliés dans la paume de la main) touchant dans l'ordre front, poitrine, épaule droite puis épaule gauche. Il n'y a pas d'orgue ni d'instrument et les chants sont facultatifs donc plutôt entonnés par la chorale. Lors de la communion, l'hostie des catholiques est remplacée par du pain. La messe se termine dans sa version longue par un prêche de 30 à 40 minutes. Lors de Pâques, la messe se tient de minuit à 4h du matin. Le patriarche transmet aux évêques le feu puis ceux-ci le diffusent à leur tour aux fidèles pour symboliser l'arrivée de la lumière de Jérusalem. A la fin de la messe, un pot est rempli de pain et un de vin puis ils sont bénis pour consommation durant la semaine suivante.

    Les orthodoxes comme les catholiques ont connu différentes réformes. L'une d'elles a séparé les orthodoxes actuels des Lipovènes ou Vieux-croyants qui continuent d'appliquer les anciens rites d'avant le Patriarche Nikon. Ils partirent de Russie où ils étaient persécutés et s'établirent en Ukraine ou Roumanie. Ils portent une tenue stricte et une longue barbe, ont leur propre mode de vie et vivent isolés dans de petites communautés. Ils sont plutôt hostiles aux avancées technologiques. Vassili Peskov a écrit un remarquable livre sur une famille russe de cette communauté : Ermites dans la taïga, où il décrit précisément la découverte et le quotidien d'Agafia et des siens. Mais aujourd'hui, ce groupe doit faire face à un début de dissolution de son identité car les jeunes qui vont à l'école ont du mal à résister aux sirènes de la ville, à tolérer l'austérité dans laquelle ils vivent et ne portent déjà plus la barbe traditionnelle.

    Concernant le clergé, il faut préciser que les prêtres ont la possibilité de se marier s'ils n'ont pas l'ambition de trop monter dans la hiérarchie religieuse. Ils bénéficient également d'une rémunération provenant de l'Etat. En revanche, les moines vivent de dons et sont exemptés de taxe. Cela leur a parfois permis de vite s'enrichir par la vente du produit de quelques travaux manuels. Certains gèrent à présent des maisons d'hôtes pour lesquelles ils sont en théorie assujettis à l'impôt alors ils demandent parfois de payer en espèces ... (il s'agit de quelques cas, je ne généralise pas). L'Eglise prélève des taxes chaque année par exemple pour l'entretien des sanctuaires mais est également rémunérée pour les principaux rites marquants la vie des croyants : baptême, mariage, enterrement ou messe en mémoire du défunt. Et il est arrivé que certaines familles très pauvres se voient refuser une inhumation car incapables de payer. De manière plus générale, les gens donnent beaucoup à l'église depuis la révolution qui a mis fin au communisme. Cette tendance se poursuivra-t-elle à long terme ?

    [Fin du chapitre sur la présentation de la religion]

    Le prêtre disparaît derrière un rideau et nous derrière la porte d'entrée pour aller visiter le clou du spectacle : le monastère peint. Il a été édifié en 1488, en 3 mois et 3 semaines, par Stefan Cel Mare alias Etienne le Grand, fameux prince Moldave de cette région pour sa résistance face aux Turcs. La légende raconte que le monastère est né de la rencontre et de la confession de ce haut personnage auprès d'un moine appelé Daniel. Stefan Cel Mare demanda au religieux s'il devait prêter allégeance aux Turcs ou lutter contre leur invasion. L'homme lui répondit qu'il fallait se battre, remporter la victoire puis revenir construire un monastère dédié à St Georges. Le prince aura au cours de sa vie prit part à 36 batailles, en sera sorti victorieux à 34 reprises construisant à chaque fois un nouveau monastère. Les fresques extérieures furent rajoutées par un métropolite sous le règne du fils de Stefan Cel Mare : Petru Rareş. Elles ont grandement contribué à l'appellation du monastère de "chapelle Sixtine de l'Orient". A chaque monastère est associée une couleur dominante, celle de Voroneț est le bleu Voroneț dont la renommée est paraît-il immense y compris au-delà des frontières.

    Nous commençons par l'extérieur et la façade est où sont peintes les hiérarchies céleste et terrestre que l'on appelle aussi "Procession de tous les saints". C'est une constante dans tous les monastères mais elle est plus ou moins étoffée de l'un à l'autre. Tout en haut se trouve Dieu, au centre, entouré d'archanges avec un X. Dans la frise en-dessous représentant une tête entourée de deux paires d'ailes, ce sont les chérubins et les séraphins. Puis commence la hiérarchie terrestre : en-dessous de Dieu, on trouve Marie assise sur un trône avec Jésus et entourée de deux archanges. Encore au-dessous : Jésus dans un berceau. De part et d'autre, et de haut en bas : les prophètes, les apôtres, les grands prêtres et enfin les martyrs qui tiennent tous une croix dans la main.

    Monastère de Voronet - Façade est

    Si je continue par la façade sud, on trouve à l'issue de la Procession de tous les saints, une immense fresque composée de plein de "vignettes" et délimitée par deux frises verticales.  Celles-ci représentent des philosophes et on peut reconnaître dans celle de droite, dans le second personnage en partant du bas, Platon dont la tête est toujours surmontée d'un cercueil. Au centre de la fresque, il y a une série de personnages alignés verticalement et se terminant, en bas, par un homme couché : c'est l'arbre de Jessé (ou Isaïe) ou la généalogie de Jésus. Selon un passage du livre de ce prophète : "puis un rameau sortira du tronc d'Isaïe, et un rejeton naîtra de ces racines". On voit donc les racines partir de ce corps allongé, puis se superposer les personnages de St Pierre en bas à Marie puis Jésus en haut. Quant aux scènes qui entourent cet arbre, elles représentent des épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testaments. On repérera par exemple la Nativité en haut et à droite de la fenêtre sur fond jaune.

    Abre de Jessé, Fresques de l'Ancien et du Nouveau Testaments

    Autour de la porte, des tableaux peignant la vie de St Nicolas et celle d'un saint local (St Jean le Jeune de Suceava) plus des fresques de St Georges transperçant le dragon.

    Fresques de St Nicolas, St John et St Georges

    La plus belle fresque est à l'ouest : le Jugement Dernier, un thème récurrent dans les églises orthodoxes et donc dans nos visites.

    Le Jugement Dernier

    Tout en haut, dans un médaillon au centre, Dieu. Et aux extrémités de cette même ligne deux archanges armés. Entre eux, les 12 signes du zodiaque font office de mesure du temps. Dieu donne le pouvoir à son fils Jésus qui est positionné au-dessous. A sa gauche (sur la photo) Marie et à sa droite Jean-Baptiste. Les 12 apôtres sont sur la même ligne. Sur la troisième bande et directement sous le Christ une blanche colombe siégeant sur un trône doit être assimilée au Saint-Esprit, le dernier membre de la Trinité. A ses côtés, Adam sur la gauche et Eve sur la droite. Du côté d'Adam, St Paul montrant à 4 groupes d'individus la voie des Justes menant au Paradis. Du côté d'Eve, Moïse brandissant les Tables de la Loi est suivi de plusieurs groupes de pécheurs dont les pharisiens, les turcs, les polonais et les tatars. Du dessous du trône du Saint-Esprit part une main tenant la balance servant à la pesée des âmes. Les anges ont chargé la balance des bonnes actions et transpercent les démons qui déposent dans l'autre plateau de mauvaises actions et des péchés. Quelques démons entraînent des damnés enchaînés vers l'enfer. A l'étage inférieur et en allant de la gauche vers la droite, celui qui porte la croix est le bon larron, crucifié à la droite du Christ et qui a été sauvé. Non loin de lui, la Vierge. Le fond blanc indique le Paradis. Au centre, entre la porte et la muraille en quart de cercle, St Pierre tient la clé donnant l'accès au Paradis. Juste derrière la muraille, un ange est couché au-dessus d'une personne morte. Un petit personnage jaune sort de la bouche de celle-ci : il s'agit de son âme. En diagonale sur la même scène, un ange transperce un autre corps que des démons entraînent vers les flammes de l'enfer. La longue coulée rouge dévalant toute la fresque figure justement l'enfer peuplé du Diable. Enfin, à droite de cette coulée et sous les groupes honnis accompagnant Moïse, il y a un ange soufflant dans une trompe pour annoncer l'Apocalypse. Les morts ressuscitent et sortent de leurs tombes, les animaux recrachent des membres humains ... Le Jugement Dernier est arrivé !

    Pour en finir, la façade nord est la plus endommagée par les conditions météorologiques : une partie non négligeable des fresques a disparu. On devine cependant quelques épisodes : en haut sur fond blanc la Genèse et le péché originel; au-dessous l'acathiste de la Vierge.

    Façade nord Façade nord

    L'intérieur ne peut jamais être photographié cependant il est également tout aussi riche en fresques. L'exonarthex où l'on se trouve en entrant contient un calendrier : les 365 jours sont chacun représentés au travers du martyr de leur saint (décapitation, bûcher, pendaison ...). Le mur comprend 12 lignes, chacune correspondant à un mois. La plus en haut est septembre et la plus en bas, août. Au milieu des mois sont représentés les signes du zodiaque. Le pronaos est consacré à l'Adoration de la Vierge. Dans le naos se bousculent les représentations notamment la Passion et une fresque où l'on voit Stefan Cel Mare remettre son église au Christ. L'iconostase, un mur d'icônes surmonté par un Christ en croix, empêche l'accès à la partie la plus sacrée de l'église.

     

    [REPRISE DE LA DESCRIPTION DE LA JOURNEE]

    Dès lors que l'on s'immobilise à l'extérieur ou même à l'intérieur du monastère glacial, les extrémités commencent à se glacer à toute vitesse. Voilà comment devenir un pro de la claquette sans même en avoir pratiqué une seule fois. Si je tape des pieds au sol, ce n'est pas que j'ai le "rythme dans la peau" mais plutôt que j'essaie de garder en vie mes dix doigts de pieds. En dehors de cela, la visite était immensément instructive, la preuve en est les longs paragraphes précédents qui tentent de retranscrire l'intégralité des propos de Luminița.

    Nous reprenons le véhicule pour quelques kilomètres et nous dirigeons vers le second monastère : celui de Humor. Son enceinte fortifiée est en bien moins bon état que celle de notre visite précédente. Par contre, une tour de guet a résisté au temps et aux attaques et fait office depuis bien longtemps de clocher.

    Monastère de Humor - Tour de guet

    Le monastère a été édifié en 1530 par un noble. Cela explique que contrairement à Voroneț il n'ait pas eu le droit d'ajouter une tour sur le toit.

    Monastère de Humor

    La couleur dominante ici est l'ocre rouge. Les représentations sont pour la plupart identiques à celles de tout à l'heure. Sur la façade ouest, sous le portique où se trouve l'entrée, le Jugement Dernier a partiellement été effacé. La face est, à l'opposé, met en évidence la hiérarchie des archanges aux martyrs sauf qu'elle comprend un niveau de plus : les moines tout en bas.

    Façade est

    Le mur nord a été totalement endommagé par la pluie et la neige. En fait, la seule partie vraiment bien conservée est la sud. Tout en haut dans les niches, la Vierge tenant Jésus est entourée des apôtres. Entre chacun d'eux, les chérubins et les séraphins. Au-dessous, le pilier du portail d'entrée représente les saints guerriers (Georges, Dimitri et Nestor), la partie gauche du mur est l'acathiste à la Vierge tandis que la partie droite est consacrée aux principaux épisodes de la vie de St Nicolas. La principale nouveauté se trouve tout en bas et illustre le siège de Constantinople par les Perses en 626 qui s'est soldé par la victoire des Byzantins (chrétiens). Selon la légende, le brouillard s'est levé et les Perses bien que supérieurs en nombre au départ, ont commencé à s'entretuer car ne se reconnaissaient plus dans l'épais voile. Constantinople était sauvée. L'auteur de cette fresque a dans le même temps voulu établir un parallèle avec le siège de Suceava par les Turcs pour inciter les habitants à poursuivre la lutte et espérer à nouveau une aide divine.

    Façade sud

    L'office étant en cours dans l'église moderne d'à côté, le monastère est fermé et nous n'avons pas vu l'intérieur qui présente toutefois la même configuration que décrite plus tôt.

    Nous allons jeter un rapide coup d'oeil à l'église d'à côté et à la cérémonie. Les femmes sont toutes sur la gauche, les hommes sur la droite. Ça fait bizarre ... Le principal officiant se cache derrière le rideau, un autre sort par une porte latérale de l'iconostase donnant sur la sacristie. La synchronisation est parfaite et on pourrait presque croire à un numéro de prestidigitation.

    Mayday, mayday, allo Vama ? On a un problème. Les doigts de pieds ne répondent plus. La température de -11°C -pourtant supportable par ailleurs- a eu raison de près de 40 doigts de pieds. Ne vous en faites pas, je ne suis pas un extraterrestre (quoi qu'on se le demandera plus tard à notre sujet à tous), j'ai juste pris en compte tous les pieds gelés dans le groupe. Bizarrement il n'y a que la guide qui aille encore bien alors que nous jouons tous des claquettes de plus en plus fréquemment. C'est plutôt douloureux.

    Les visites sont à présent terminées pour aujourd'hui et nous partons au restaurant. Il est très bien mais notre principal souci, c'est de se réchauffer les pieds au contact du carrelage. On doit bien être les premiers à dire que dans une habitation le carrelage ça réchauffe mais je vous garantis que c'est réel.

    Après un cours transfert d'une heure , nous allons passer l'après-midi à marcher pour rejoindre deux villages polonais. Nous sommes déposés à un carrefour au pied de la colline où est juché le premier village : celui de Pleşa. Il n'est pas nécessaire de chausser les raquettes car la route est relativement bien dégagée et que nous allons largement l'emprunter au cours de cette marche. Les habitants de ces bourgs parlent polonais et ça fait plutôt bizarre de réutiliser le "Dzien dobry" appris il y a deux ans. Ils ont été transférés de force dans la région à la fin du XIXème siècle quand les austro-hongrois (hou les vilains !) avaient besoin de main d'oeuvre dans les mines de la région. Ils s'y sont donc établis en conservant et leur religion et leur langue en plus du roumain.

    Ferme du premier village polonais Maison du premier village polonais Maison dans le premier village polonais

    La montée est si longue que nous finissons désormais par avoir chaud. [Je pense que je vais finir par vous déstabiliser. ] Au sommet de la colline, s'élève l'église catholique du village, la seule que nous verrons. Par rapport à ce matin, les statues réapparaissent et l'orgue aussi. Par contre, la décoration fait beaucoup plus pauvre.

    Eglise catholique - Intérieur

    Je termine par une spécificité d'ici : devant chaque maison est dressée une petite cabane de bois ajourée et souvent relativement ouvragée. Il s'agit du puits parce l'eau courante n'est pas encore une réalité partout dans ce pays. Par conséquent, soit les habitants utilisent le puits normalement, soit ils ont installé une pompe qui fait la moitié du travail.

    Un puits

    A partir du sommet de la colline, ce sont les montagnes russes avec deux belles descentes suivies de remontées aussi "longues".  Et pour profiter encore plus du dépaysement et de l'authenticité, nous quittons les sentiers battus pour une piste tracée par les écoliers et les villageois dans un massif forestier formé essentiellement de sapins.

    Traversée d'une forêt

    Nous quittons même un moment la trace pour descendre une colline. On pourrait facilement faire un concours de lapining avec beaucoup de fous rires à chaque chute mais je n'ai pas eu la présence d'esprit de le proposer sur le coup. Dommage ! La neige à présent atteint par endroit la moitié des mollets.

    Forêt de sapins

    Sensation d'être à l'écart du monde et dans un monde vierge de présence humaine. Mon esprit s'évade et je ne le récupère (enfin dans la mesure où il y a quelque chose à récupérer) qu'en arrivant en vue du second village : Solonețul Nou.

    Arrivée sur Solonețul Nou

    On aurait été en Afrique, je m'imagine que l'on aurait été accueilli et suivi par tous les enfants du village (je n'ai jamais été en Afrique). Là, on fait davantage un bide et ce sont plutôt des chiens aboyant qui nous poursuivent. Enfin, dans la limite de leur faible courage parce que quand on se retourne et qu'on s'apprête à les courser, ils font de suite moins les fiers. Non mais qui c'est qui commande ici ? Peureux ! Lâches ! Rustres ! Oui, enfin pas vous M. le Patou des Carpates ...

    Nous passons devant la future maison communale de la Pologne et notre cortège prend une autre forme : les chiens sont remplacés par les jeunes enfants qui ont transformés la côte du village en piste de luge. Nous effectuons toute la montée ensemble. Celle-ci comprend un coude à droite qui doit être dur à négocier avec la vitesse. Si c'était moi, je pense que je ferais un tout droit et terminerais ma course dans une propriété privée voire contre son mur...

    Au sommet, nos chemins se séparent : les enfants s'élancent un par un, les uns la tête la première, et nous, nous descendons sur l'autre versant après leur disparition. Le vent s'est de ce côté-ci levé. La température réelle (pas la ressentie) passe à -14°C. Nous pressons donc le pas pour retrouver Mihaï à l'issue d'une ultime ascension.

    La camionnette sauna prend alors le chemin d'un atelier d'artisanat où l'on travaille la céramique noire. J'apprécie que l'on nous demande auparavant notre avis et intérêt pour ce lieu, c'est un signe supplémentaire de la qualité de nos "encadrants". Mais en ce dimanche, la partie atelier est fermée.

    Après quelques minutes sur place, nous réembarquons donc pour l'hébergement de ce soir. Il s'agit d'un très beau gite et d'une cuisinière attachante, Viorica, car très dévouée à ce qu'elle fait. Elle a toujours été cuisinière dans une cantine ou pour des mariages et aujourd'hui continue avec cette chambre d'hôtes où elle n'est "qu"'employée pour avoir un complément de retraite. Mais c'est en même temps la principale personne que l'on ait vue sur place. Sa passion, c'est la cuisine et elle nous choie. Et à 79 ans, elle fait dès que c'est nécessaire le trajet à pied entre son domicile et son lieu de travail soit quelques kilomètres par une température franchement négative. Chapeau et merci !!!

    Viorica

    Le style de l'habitation est en décalage avec mes propres codes : un immense poêle en céramique sert à la fois de plaque de cuisson et de chauffage général. Ce sera le cas dans toutes les maisons que nous rencontrerons. Sur les murs sont accrochés différents tableaux pour le moins surprenants : de nombreux St Georges, protecteur de la maison, un Lénine, une assiette avec un lapin faisant la chasse à l'homme et surtout des portraits de François-Joseph, souverain très apprécié encore dans les campagnes.

    Poêle en céramique Assiette décorative

    Nous prenons peu après possession de nos appartements et je suis placé en quarantaine pour le reste du séjour. Alors que les autres se partagent deux chambres à 4 avec la guide, j'ai une modeste pièce de 80m² minimum en bas pour moi tout seul et une salle de bain d'au moins 20m². Je suis à deux doigts de m'égarer. Et pour comble de malheur, le hasard a voulu que je bénéficie de l'eau "courante" alors que les tuyauteries sont gelées en haut. Quand le sort s'acharne ... Je parle d'eau "courante" car c'est une pompe qui permet de récupérer le précieux liquide, ailleurs il faut parfois puiser. Mais cet avantage ne nous dispensera pas de prendre une douche avec un seau

    De retour dans la cuisine-salle à manger, je prends en flagrant délit le chat en train de réaménager la pièce : il prend de l'élan, passe sous le tapis puis s'enroule dedans. Peu après, le dîner est servi, bon et copieux. Alors que les autres membres du groupe vont se coucher, je décide de rester un peu et de prêter main forte pour la vaisselle. Ben quoi ça ne vous a jamais manqué ? Ça me permet de me rendre compte, à défaut de les comprendre, de la jovialité des roumains présents dans la salle : Luminița, Viorica et un homme. Et je me fais pas mal taquiner pour ce coup de main. Pourtant c'est juste un moyen pour moi de remercier Viorica de tout le travail accompli pour nous et qui a dû lui prendre la journée entière.

    Je termine sur un sujet du quotidien : le travail.

    Les horaires de travail vont de 8h à 16h-17h avec une heure de pause déjeuner au milieu. En raison des faibles salaires, de nombreux travailleurs se sont expatriés à l'étranger : ils seraient 2 millions aujourd'hui surtout en Italie et en Espagne, plus récemment en France et en Allemagne depuis que ces deux derniers pays ont ouvert un peu plus leur marché du travail aux ressortissants étrangers. Cette fuite touche même les étudiants qui partent parfois à l'étranger (Japon, Australie) du fait de l'existence d'une bourse de 1700€ et de la prise en charge du logement. Le taux de chômage officiel serait de 10% mais il ne tient pas compte des exploitations autosuffisantes de la campagne qui forment une économie souterraine.

    Rideau. Fin de l'acte 1.


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  • Promenons-nous dans les bois ...

    Nous commençons la journée par un petit déjeuner copieux avec notamment yaourt maison, omelette traditionnelle et gâteau au pavot. Finalement, je commence à me demander si le Lulu de ma partie "remerciements" existait vraiment ou si le pavot avait subi un traitement ? Rassurez-moi : vous le voyez aussi sur la photo l'hippopotame mauve ?

    Peu après, Mihaï vient nous récupérer pour nous conduire en haut du col de Ciumârna à près de 1000 mètres d'altitude. Au premier virage de la descente, le véhicule se range. Maintenant il va falloir marcher ! Ou plutôt étrenner les raquettes parce que la neige est plus haute qu'hier et la piste vierge. 6h environ de randonnée par les crêtes nous attendent pour rejoindre la pension suivante. Il fait -15°C mais sans vent donc c'est aisément supportable.

    Départ de la marche

    L'itinéraire longe puis traverse des champs, passe devant des maisons et des greniers à fourrage.

    Tas de fourrage Habitations

    Tout est immaculé, rien ne bouge. Je suis étonné par ces clôtures très longues qui délimitent les propriétés au milieu de nulle part. Quel besoin ? Compensation psychologique de l'époque communiste ? Mais malgré le bornage de sa propriété, le roumain ne se referme pas à l'autre, il reste ouvert et accueillant.

    Contrairement à mon impression, notre guide nous apprend que les parcelles des exploitations restent de taille réduite. A la chute du communisme, chacun a récupéré des terres en fonction de ce qui était inscrit dans les archives d'avant 1940. Il y a donc eu un morcellement des terrains et nombreux sont ceux qui se retrouvaient possesseurs de parcelles dispersées. La plupart les consacrent à l'autosubsistance. Quelques auto-entrepreneurs ont racheté massivement des terres pour se constituer de grandes propriétés agricoles. Ainsi en est-il d'un berger qui a vendu il y a bien longtemps toutes ses terres disséminées pour en acheter d'autres dans la périphérie de Bucarest. Depuis, la capitale s'est étalée, le prix du sol a grimpé avec la densification urbaine et le berger est devenu millionnaire. Il dirige aujourd'hui une équipe de football roumaine. Enfin, pour terminer sur le sujet agricole, je dois préciser que les coopératives ont aujourd'hui totalement disparu pour acheter le matériel en commun ou tenter d'influencer davantage les prix. Et c'est bien là une réaction de rejet du communisme.

    La neige est vraiment impressionnante par sa légèreté et sa souplesse. On croirait presque du sucre en poudre ou de la farine car elle ne colle pas du tout et ne s'agrège pas plus. Il est quasiment impossible de faire une boule de neige avec.

    La vallée que nous contournons par les crêtes et les collines sont habitées par les Houtsoules (population montagnarde d'origine ukrainienne). Les enfants descendent tous les matins à pied pour 2, 4 ou 6 kilomètres vers l'école qui commence à 8h30. Une fois l'école terminée, vers 14h, ils refont le même chemin en sens inverse. Ceux qui habitent trop loin peuvent prendre les transports scolaires gratuits ou se faire héberger par de la famille en ville ou encore rester en pension. Malgré cela, une petite frange des enfants vit encore trop isolée pour pouvoir bénéficier de l'école bien qu'elle soit théoriquement obligatoire jusqu'à 14 ans.

    Notre niveau à tous est homogène ce qui est un grand avantage. A tour de rôle, nous nous relayons pour faire la trace. Au fil des jours, je vais ainsi gagner un titre honorifique roumain (puisque c'est Luminița qui me l'a donné) : le "chasse-neige" ! Je pense que c'est un compliment. Tu confirmes Luminița ? 

    Marcher c'est sympa mais mettre l'ambiance c'est encore mieux alors je décide d'illustrer au fil des kilomètres des expressions imagées. Je me limiterai à deux aujourd'hui pour éviter de terminer à l'hôpital que l'on ne peut rejoindre qu'en traineau à cheval. Heureusement, le programme est libre, comme au patinage artistique, ce qui me permet d'espérer un bon classement en fin de journée. Pour la première figure, je pose la raquette sur un bout de bois planté verticalement dans le sol. Au pas suivant, mon pied reste accroché et patatras ! C'est ce qu'on appelle "faire un soleil". Moi, je préfère dire en toute modestie -n'en déplaise à Louis XIV- qu'il ne peut y avoir qu'un seul Soleil et qu'aujourd'hui, il n'était pas dans le ciel grisâtre alors il fallait bien un volontaire. Bon j'arrête d'être mégalo comme un Ceauşescu et vais présenter la seconde figure de style. Je marche tranquillement, satisfait de ma cascade précédente quand, tout à coup, je bute sur un tronc planqué sous la neige et m'étale à nouveau de tout mon long à quelques centimètres d'un arbre. Si vous ne le savez pas, c'est ce qu'on appelle familièrement "prendre une bûche" ou "toucher du bois". Personnellement, je n'ai pas trop vu la différence entre le réel et l'imagé à cet instant précis. Mais devant la clameur du public, je pense avoir acquis le titre de Pieds Gauches en or et m'arrête là pour aujourd'hui. Ouf, la prochaine expression, c'était "se fendre la poire" ! Et qu'est-ce que ça peut être physique de "faire la trace" de cette façon !

    Faire la trace dans une forêt Dans les bois

    Après la zone dégagée ponctuée d'habitations, nous nous promenons dans les bois, tant que le loup n'y est pas ... Comment ça il y a 40% des loups d'Europe et 60% des ours du continent dans ce pays ? MAMAAANNNN ! Je veux sortir !!!  Quoique pour les ours, je veux bien aller leur passer le bonjour de leurs collègues slovènes désormais expatriés chez nous.

    Au bout de quelques dizaines de minutes, au coeur de la forêt, nous finissons par croiser un énorme engin de transport de troncs. Sa trace est tellement grande que nous pouvons aisément marcher dedans pour moins nous enfoncer. Aujourd'hui, les machines remplacent les chevaux car ceux-ci sont plus coûteux et nécessitent plusieurs personnes.

    Nous profitons de cette aubaine d'une piste tracée pour nous laisser aller et discuter. Nous nous renseignons sur la sylviculture, plus particulièrement l'existence de gardes forestiers et la réduction de la surface des bois en Roumanie du fait de l'intense activité pour le chauffage ou l'export. Nous parlons également des incendies qui se produisent chaque année mais sur de petites surfaces. Dans un premier temps, ce sont les villageois qui sont sur place et interviennent en les étouffant sous la terre puis les hélicoptères prennent ensuite le relais. Pris dans notre discussion, nous ne remarquons pas la bifurcation et suivons les traces dans une grande descente. 300 mètres plus tard, la guide commence à tiquer et à évoquer un retour en arrière. Il faut remonter tout là-haut ?

    De retour dans le droit chemin, nous ne tardons pas à faire une rencontre. Il s'agit d'un houtsoule qui s'enquiert de ce que l'on peut bien faire là avec des engins bizarres aux pieds. Lorsque Luminița lui explique que c'est pour ne pas s'enfoncer dans la neige, il n'a pas l'air très convaincu et doit nous croire fous.

    A la sortie du bois, nous marquons une petite pause pour décaper parce qu'avec l'effort, le grand froid ressenti hier matin est totalement oublié. Aujourd'hui, ça va. Nous sommes à la lisière d'une belle propriété que nous allons traverser avant d'à nouveau re-rentrer dans la forêt. Au fond, les espèces de barrières discontinues sont en fait des étendoirs pour faire sécher le foin à la belle saison.

    Propriété en bord de forêt

    Avant de pouvoir marquer la pause de milieu de journée, il nous reste une bonne dernière montée. Je me cale dans les pas de P. et me laisse entraîner.

    P. dans la côte

    A mi-pente, nous marquons une pause dans une petite clairière. Puis vient la dernière rampe avant de déboucher sur les crêtes et de se ravitailler.

    Dernière rampe Botte de fourrage Hameau

    Nous atteignons alors un petit hameau au sortir duquel des ouvriers travaillent dehors sur les bottes de fourrage. C'est la propriété dans laquelle nous allons demander l'hospitalité ce midi. Les travailleurs sont des employés de la maison. Les propriétaires, un couple de retraités, nous reçoivent chez eux, le coeur dans la main et sans une once d'hésitation. C'est la marque de l'hospitalité roumaine que nous n'allons cesser de rencontrer cette semaine. Pour moi, je retrouve la même chaleur humaine qu'en Mongolie ou au Kirghizistan, ces pays qui m'ont tant touché.

    La politesse veut que l'on se déchausse à l'entrée de toute maison roumaine, mais nos hôtes nous en dispensent lorsque nous esquissons le mouvement. Nous pénétrons dans une première salle froide car non chauffée puis dans la cuisine qui semble être une étuve. La femme et l'homme se réinstallent là. Il s'agit des grands-parents de la famille qui gardent actuellement leur petit-fils de 8 ans dont ils sont très fiers, comme tous les parents et grands-parents du monde. Celui-ci est à l'école en ce lundi, à 6km à pied. Il devrait rentrer vers 16h. Ses parents sont en Grèce pour gagner de quoi finir la salle de bain.

    L'accueil commence par un verre d'alcool issu d'une bouteille dont l'étiquette représente une croix rouge. Le St Bernard n'est pas livré avec, il y a juste son ravito. Je fais honte une fois de plus au pays du Jurançon en déclinant ce verre même si ça ne se fait pas. Mais je n'ai jamais bu. Et puis, il faut bien en laisser aux autres. Une règle de bienséance nous échappe n'ayant pas été avertis : il ne faut surtout pas vider le verre mais laisser un fond sinon la coutume est de le remplir à nouveau. Nous ne l'apprendrons qu'en sortant de la maison et les grands-parents sont plutôt insistants avec leur bouteille. Heureusement, ils finissent par penser aux ouvriers qui travaillent  dehors dans le froid. Le verre ne doit être vidé qu'au moment de partir ...

    Le poêle en céramique contribue à nous cuire comme des homards une fois debout car la pièce n'est pas très grande. Alors on reste assis.

    En quittant la maison, nos hôtes s'étonnent une fois de plus de ce que nous marchions avec des raquettes : comment faisons-nous pour ne pas nous enfoncer avec ? Ils s'inquiètent également des conséquences d'une éventuelle tempête et de notre aspect peu couvert, mais c'est simplement parce qu'on multiplie les couches pour s'isoler.

    A la sortie de la propriété et après avoir traversé un petit bosquet, nous débouchons sur une crête. La vue des deux côtés est bien dégagée, sublime.

    Petit hameau sur les crêtes

    Depuis ce matin, la neige tombait en petits flocons compacts. Désormais, on dirait davantage de petites paillettes tombant du ciel en scintillant, c'est plutôt irréel.

    A présent, nous n'avons plus qu'une longue descente pour gagner le village de ce soir. De temps à autre, nous passons devant une propriété. Ici, une femme nous arrête et parle avec notre guide au sujet de ses enfants dont une avait dû arrêter d'aller à l'école. Désormais elle y retourne. Toujours le même étonnement au sujet de notre moyen de locomotion. Plus loin, une porte s'ouvre derrière nous. Un homme en sort et nous hèle : il faut à tout prix que nous rentrions pour boire un verre. Sortant quasiment de table, l'ensemble du groupe n'y tient pas. Mais l'homme insiste fortement pour le verre et pour avoir un peu de compagnie. Nous décidons de passer un peu de temps avec lui mais sans rien boire. Dans sa cabane, un autre homme est assis sur le lit, hagard, le regard vide. Je lui tends la main pour lui dire bonjour et ne la récupère qu'au moins 15 secondes plus tard ! Et il est incapable d'articuler une phrase. Il cuve. Je m'assieds malgré tout sur le lit à côté de lui pour laisser la place aux autres sur l'autre lit. L'homme hagard, tente de baragouiner quelques mots inintelligibles. En vain. Il finit par aller faire un bref tour dehors. Pendant ce temps, l'homme qui nous a accueillis nous présente des photos de son fils  qu'il voit rarement. Là encore, il en est extrêmement fier. Il réussit également à fourguer à 3 martyrs d'entre nous un "vin chaud" d'anthologie qui laissera une trace impérissable dans leur esprit. C'est dans des moments comme ça que j'apprécie d'être une des hontes de ma région. Le second homme revient dans la pièce, nous apprenons que tous deux sont de bons amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps et qu'ils fêtent ça. On se demande juste depuis combien de temps ? Malgré les propositions de rester manger et dormir, nous décidons de nous esquiver.

    Le milieu d'après-midi approche et le temps se recouvre. Le soleil se cache derrière un léger voile nuageux et prend des airs de lune plongeant derrière une colline et un grenier.

    Soleil voilé

    Derniers pas d'une journée de marche de 6h. La traversée de champs clôturés fait craindre à notre guide de croiser un taureau. C'est déjà arrivé à un membre d'un de ses groupes qui est le recordman mondial du 100 mètres haies (ou barrières) en raquettes. Personnellement, je ne tiens pas plus que ça à battre ce record parce que je suis plus performant pour les chutes et cascades en tout genre. Dans l'ultime bois du jour, des traces de biches et de chevreuils jalonnent notre itinéraire.

    Nous créons la sensation en déambulant dans Moldovița raquettes aux pieds. C'est vrai qu'elles ne sont plus franchement utiles sur ces rues entretenues.  Nous atterrissons dans la chambre d'hôtes d'une nouvelle Viorica et de Stepan, son mari un peu plus effacé. Je continue ma quarantaine et suis en haut, à proximité du balcon. C'est agréable même si avec des températures de -20° à -30° la nuit, je ne suis pas sûr d'en profiter beaucoup. Par contre, je peux jouer des claquettes et en faire profiter mes voisins du dessous. Je fais enfin la connaissance de Lulu, le désormais célèbre hippopotame mauve, et de son acolyte la panthère ... noire (qui a pensé rose ?).

    De retour en bas, nous étudions les moindres détails de la salle à manger. Au-dessus du poêle sont alignés des bocaux sur lesquels sont inscrits des noms roumains d'ingrédients. On en devine aisément certains : sel, thé, sucre ou café mais d'autres nous laissent secs. On fait donc appel à Luminița pour nous dépanner et de là va naître un doute abyssal. C'est ainsi que nous nous sommes lancés à corps perdus dans un débat passionné : le mot vermicelle est-il singulier ou pluriel ? Quand on dit que les voyages forment la jeunesse ... On ne peut pas appeler un ami (Bernard Pivot) parce que les appels internationaux ne sont pas inclus dans le forfait, il n'y a pas de public dans les environs alors il ne nous reste que le 50/50 : 50% pour le singulier et 50% pour le pluriel + 1 abstention. Et la soupe est froide.  Alors, je me dois aujourd'hui de rétablir la vérité qui n'a été que trop longtemps bafouée : "n.m. (ital. vermicelli) Pâte à potage en forme de filament plus ou moins long". Voilà la définition du Petit Larousse.

    Pendant le diner et la soirée, on vit l'actualité en temps réel car le Premier Ministre a fait comme la neige aujourd'hui : il est tombé. C'était paraît-il une marionnette du Président, le couple russe inversé en quelques sortes. L'ambiance est à la joie partagée dans la maisonnée. Nous assistons ensuite à la nomination du nouveau Premier Ministre, ancien Ministre des Affaires Etrangères et Directeur des Services Secrets. Quand on parlait de Russie ... Dans sa première allocution, il annonce que l'exploitation de la mine d'or, d'argent et d'uranium à Roşia Montanǎ se fera impérativement. On prend les mêmes et on recommence ! La parole est ensuite à l'opposition qui critique la nomination du Président et aurait souhaité un technocrate comme M. Monti en Italie.

    Sur les images que l'on nous montre, le Président a de faux airs de Berlusconi. Son surnom en Roumanie est le "Pirate" car il a un oeil plus petit que l'autre. Son discours est empreint de mots et de principes sonnant faux comme l'écoute des revendications du peuple (ça se voit pour la mine par exemple ...), la poursuite de la lutte contre la corruption (heureusement qu'il est là vu le classement de la Roumanie dans ce domaine ...), ... Il fallait oser.

    Quant au Nouveau Premier Ministre, suivrait-il une partie de tennis alors qu'il parle à sa nation ? Ses yeux ne cessent d'aller un coup à droite, un coup à gauche. On n'a pas su qui a gagné la partie du jour au final mais en tout cas, ce n'est pas le peuple. Je n'ai sûrement qu'une partie des données pour parfaitement et objectivement comprendre la situation mais à croiser les informations reçues directement par les personnes rencontrées, celles données par le guide de voyage acheté en France et celles fournies par la télé, je pense être à même d'avoir une vision plutôt réaliste de la situation locale.

    Les analystes prennent ensuite la parole pour décortiquer les événements et discours. Certains sont loin d'être convaincus par le nouveau Chef du gouvernement.

    Pub pour se reposer du spectacle : entre deux spots pour des produits pharmaceutiques, nous voyons la magnifique séquence où les gens soudoyés soutiennent la destruction de leur région pour pouvoir bénéficier des avantages de la mine d'or. Un modèle de chaîne indépendante ...

    Certains vont se coucher, je prends un temps pour rédiger mon carnet de voyage. Je n'ai pas très sommeil ce soir.


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